Vôtan |
(Je
viens de "la Roque" -image- à l'aller je suis passée par le
"bas" c'est à dire par la rivière et j'ai découvert le chemin
volontairement saccagé, ce qui rend l'accès difficile... et je retourne en
tentant l'autre accès, presqu'impraticable -image!- c'est à dire en escaladant
la montagne. On est en Août, la chaleur est insoutenable même à 5 heures et
j'ai mes deux chiens avec moi, Vôtan -image- et Pifette, un bébé croisée du
Bruno du jura de mon voisin et d'une petite bâtarde, que j'ai recueillie,
Tess.)
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Extraits :
Passer par la montagne pour éviter de revoir le
chemin éventré? Une idée idiote comme on en a lorsqu'on est épuisé. Le soleil,
la roche nue, les éboulis, les épineux, AUCUNE OMBRE!! je grimpe, je suis à mi
distance, de surcroît chaussée de cuissardes (!) utiles pour l'aller puisque
j'avais opté pour le chemin qui par endroits suit le lit de la rivière... Je
grimpe encore et soudain... la malaise, cela me semble aussi effroyable de
monter que de descendre, je sens que je vais tomber, je ne vois plus clair, les
sons deviennent lointains, je respire mal.. je vais mourir, j'ai juste le temps
d'appeler les gendarmes et m'affale sur le rocher, à demi inconsciente
...
Vôtan est à mes côtés.. je sens vaguement qu'il me
lèche sans arrêt cou et visage pour me "réveiller", faisant ainsi
affluer par la carotide et les jugulaires le sang vers le cerveau (il semble
après coup que c'était exactement ce qu'il fallait faire).. ça dégouline, il
m'humidifie aussi... ça dure un peu, mon téléphone sonne, pas la force de le prendre,
ça doit être les pompiers qui me cherchent.. mais comment me trouver au milieu
de ces anfractuosités qui depuis la route, me cachent? Enfin j'essaie de me
tenir debout (mal). Il m'attend patiemment, malgré la cagne.. et cette fois me
conduit fermement vers un passage qu'il avait deviné. (Comment? par l'odeur
sans doute d'autres animaux notamment des sangliers?) Cela ne me semble pas
judicieux (car ça descend !) mais je n'ai plus la force de penser, je le
suis... et tant mieux ! car après un virage, on découvre en effet un pseudo
sentier sinueux QUI REMONTE DOUCEMENT ET SANS ÉBOULIS comme la
"falaise". Durant tout le temps que j'étais allongée, héroïque car il
souffrait autant que moi, il s'est mis entre le soleil et moi. Lorsque les
gendarmes sont enfin arrivés à la route, je sortais des broussailles, hirsute,
griffée, mains en sang, sans lunettes -perdues- ni foulard -perdu aussi-
vêtements déchirés et un œil poché mais relativement remise. Le soleil avait
baissé.
Ce photo reportage est dédié à Vôtan (adopté depuis peu pourtant, après son abandon par son maître qui cependant l'aimait bien et était venu exprès de 200 km pour me l'amener, -je devrais dire me l'imposer-, j'ai une réput d'enfer! j'ai accepté mais je pensais le faire adopter... et puis, coup de foudre réciproque et immédiat, je l'ai gardé, deux abandons en un mois alors qu'il s'était tellement attaché à moi, ce n'était pas possible ni pour lui ni pour moi)... Vôtan qui ne voulait pas passer, lui ! mais qui m'a obéi sans discuter... (on est un BA ou on ne l'est pas!) et pour finir, tirée à ses dépends d'un pétrin qu'il avait sans doute prévu, sans la ramener ni réclamer quoique ce soit, un geste dont beaucoup d'hommes seraient bien incapables. A certains endroits, il a dû m'aider, me tirer (60 kg contre 35 ! épuisée, je me cramponnais à sa queue) et en arrivant, il soufflait comme une forge et a bu deux litres d'eau d'un trait (les bergers allemands craignent particulièrement soleil et chaleur et malgré leur puissance, sont relativement fragiles et lui de surcroît avait un magnifique pelage, très fourni, l'horreur sous nos climats.) Que me serait-il advenu sans lui? Une insolation sans doute mortelle -moi aussi je crains terriblement la chaleur! et mon père est mort ainsi- ou peut-être me serais-je réveillée seule -mais dans quel état- après que le soleil eût baissé ? A la nuit ? Et ensuite? Comment me retrouver ? Qui sait, à force les pompiers m'auraient-il localisée mais au bout de combien de temps? Je ne sais pas.
Une précision importante : il n'était pas dressé à la recherche ni à quoi que ce soit et l'a fait de lui-même, volontairement et consciemment : par amour ? conscience "professionnelle"? instinct ? remerciement de l'avoir adopté? un peu tout ça sans doute mais ce dont je suis certaine, absolument certaine, c'est qu'il l'a fait CONSCIEMMENT malgré le risque lui aussi de mourir d'insolation (plus de 49 degrés sans doute). Il aurait très bien pu, comme Pifette qui s'est carapatée à fond la caisse vers la maison lorsqu'elle m'a vue tomber (!) s'économiser toutes ces souffrances. Lui est resté. Merci Vôtan.
Note : il est mort à 16 ans, deux ans après -car en plus il n'était pas tout jeune pour un BA lors de cet épisode-, sans souffrance, dans son sommeil. Il est revenu d'une de ses virées (petites virées, dans le terrain, assez vaste) s'est couché dans son lit aménagé dans un ancien garage au rez de chaussée qui me servait aussi d'atelier, cuisine etc.. visiblement fatigué.. et endormi... Au bout d'un certain temps, j'ai commencé à préparer la bouffe, bruit de casseroles, ça ne rate jamais => les oreilles se dressent tout de suite. Là, rien. Décidément il dormait solide ! Je recommence exprès assez fort. Arrivent aussitôt Pifette et Tess, queue frétillante, mais de son coté, toujours rien. Je m'approche (mais j'avais deviné) : c'était fini. Il avait dû se sentir mourir et avant le dernier voyage était revenu près de moi. Il est mort à mes cotés sans doute en entendant pour la dernière fois mes bruits de sculpteure qui le rassuraient. Je n'ai rien vu, il ne s'est plaint de rien. Je pense toujours à lui.
A rapporter à : chien abandonné,
je suis ce chien
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