vendredi 29 mai 2015

Descartes, traité des "passions de l'âme" revu.

Il arrive que pour se libérer d'un mal-être poignant (un deuil, une rupture amoureuse voire une addiction -ce qui y ressemble un peu-, ou le tout à la fois, on se plonge frénétiquement dans une activité qui effectivement nous en détache [le net, la politique, la protection animale active, l'art, la mondanité superficielle, une autre relation "amoureuse" que l'on croit au départ "contingente", des voyages, le travail etc]... mais qui devient à son tour sans qu'on ne s'en aperçoive une autre addiction, un engagement irréfragable.. au point que, MÊME QUAND LA PREMIÈRE PASSION TEND A RESURGIR -PAR EXEMPLE L'AMOUREU/SE PERDU/E EFFECTUE QUELQUES APPROCHES, IMPRÉVISIBLEMENT- ON FINISSE PAR Y RENONCER JUSTEMENT À CAUSE DE LA SECONDE ADDICTION DE REMPLACEMENT DEVENUE ESSENTIELLE. (La passion d'écrire -par exemple- ou de militer, l'animal ou les animaux recueilli/s -nécessitant des soins ou au moins une présence constante-, une relation de confort au départ purement convenue, etc etc.. sont sans qu'on ne s'en soit rendu compte, sont devenus primordiaux. Guérison ? Oui et non, puisqu'on est à nouveau sous emprise -une autre! parfois pas meilleures voire pire-.) 

Descartes a raison : on ne guérit d'une passion que par une autre (suscitée ou accidentelle) de préférence incompossible avec la première* et jamais par la Raison... (À moins qu'il ne s'agisse.. d'une "passion de la raison", justement mais ça marche aussi!)

Certains groupes sur le net fonctionnent ainsi (parfois avec gourous, le gourou en ce cas en ayant remplacé l'autre, l'amoureux/se enfui.)



* On choisit  souvent une passion "inverse", contradictoire de la première : si l'amour/euse éconduit ou enfui (souvent les deux à la fois) est résolument citadin-confort, on opte pour la pauvreté, le stoïcisme, la campagne et les animaux ; si l'amoureux/se disparu/e est irrédent/e militant/e écolo, on choisit une vie mondaine légère hors toutes ces préoccupations -du moins actées- et/ou une relation " amoureuse" ad hoc etc..


On érige des barrières pour se protéger.. barrières qui finissent par devenir dirimantes et par fonctionner à leur tour comme (cocassement) restrictives, tout autant que les premières contre lesquelles on les a bâties, nous fondant à une vie mutilée et étrange parfois plus pesante encore que celle qu'on a quittée croit-on. Mais c'est une illusion : en réalité, cette mutilation en nous est antérieure à ces "choix" et c'est celle-ci qui a fondé notre propension à la passion (qui fonctionne comme un organe/obstacle) quelle qu'elle soit. Voilà pourquoi, si bizarre que cela paraisse, on peut rejeter un homme ou une femme que l'on aime passionnément et dont on a désespérément espéré -et dont on espère toujours!- le retour... parce qu'un vieux chien malade requiert nos soins ou... qu'il n'y a pas de réduction à la SNCF les week ends et jours fériés... voire qu'on a réservé pour un voyage au club med qui par ailleurs ne nous tente/tait pas vraiment.


Même si, comme on le croit parfois, aucune nouvelle activité ne parvient à faire oublier la passion première qui reste là au fond de nous, pesant lourdement et maintenant la douleur permanente du manque, il n'empêche que l'on a souvent choisi en garde-fou la "passion"* -ou disons l'engagement- le plus irréfragable et incompossible qui soit avec la première, embarquant-embarqué dans un train sans escale ni sonnette d'arrêt d'urgence et contraint/e à voir sous nos yeux défiler un beau paysage à jamais interdit. Mais il y a des degrés dans ces choix : certains sont totalement irrémédiables (une nouvelle famille, un nouveau couple, de nouveaux enfants) d'autres moins, aménageant dans les barrières quelques meurtrières au cas où.
.
*Descartes emploie le terme passion au sens d'émotions fortes et envahissantes c'est à dire il en parle comme d'un syndrome (tristesse, joie) et non comme d'un sujet (perte d'un/e tel/le, amour rejeté.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire