mercredi 6 mai 2015

Tess









Tout est revenu en force depuis que je vais devoir en finir avec Tess. Rejet, mon abandon à 15 ans à l'EN pendant qu'ils déménageaient joyeusement à 300 km pour St A. où mon père allait créer son affaire qui devait nous sortir de la gêne qui confinait à la misère -ce fut le cas-. La pauvreté qui les a fondés à me laisser malgré mes supplications et mon désir -avoué- d'en finir, ma tentative de suicide, ma "récupération" (comme on récupère un encombrant refusé par les chargeurs) malgré eux.. mais l'EN l'avait imposé... malgré mon père surtout car ma mère avait réellement eu peur.. puis l'agression.. Ma vie s'est scindée en deux : j'ai compris ou plutôt réalisé qu'ils ne me gardaient que dans l'idée que j'allais partir le plus vite possible.. Je n’avais pas droit à l'erreur (en d'autres termes si tu n'as pas le bac, dehors).. 

Et toi, mon embellie enfin, la seule personne qui m'ait réellement acceptée.. Un temps. Ça revient en force. Je t'ai aimé tant et tant... pourquoi tout a-t-il fini ? C'est comme ça. Pourquoi ai-je refusé un autre -en un sens-? Je ne peux sans doute pas admettre qu'on m'accepte. Comme Tess.. qui me ressemble. Pour les mêmes raisons. Sauvage, agressive -au début- sauf avec moi, elle avait dû comprendre qu'on était sœurs de misère. Je joue à présent avec elle le rôle que tu as joué avec moi. Bisous à tous deux. 

Le problème est qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre l'amour la haine. Tout comme il n'y en a pas entre le désir et la répulsion. Pas de zone neutre. Pour moi du moins. Ou on désire ou on est dégoûté à vomir. La haine empêche de ressentir l'amour (et la souffrance qui s'ensuit lorsqu'il est bafoué.) Mais lorsque vient enfin la sagesse (l'acceptation de la déchirure, de l'absence définitive) la douleur survient en même temps : il n'y a plus la haine pour annuler amour et souffrance. Pour les névrosés post traumatiques anciens dont je suis, tout reflue en même temps, submerge et envahit. La fin de Tess m'évoque ce passé, l'abandon. Ne pouvoir te revoir aussi. La finitude de notre amour (la finitude concrète: peut-être nous ne nous reverrons jamais, ce que dont j'ai le pressentiment) réactive celui que j'ai voué en vain à ma mère ; ça devient si lourd, si poignant que je pleure -moi qui ne pleure presque jamais.-

Ou il y a la haine qui avilit ou la sagesse qui déchire. C'est comme un deuil. Un cercle vicieux : la seule personne qui pourrait consoler d'une perte déchirante est justement celle qu'on a définitivement perdue. Ça reflue. Souvenirs cruels.

J'avais 15 ans. J'ai supplié qu'ils me reprennent. En vain. Ils m'ont dit : "C'est la vie." Je leur ai dit plusieurs fois qu’enfermée dans cet internat, seule, bouc émissaire, j'en mourrais. Ils m'ont dit : "Allons trêves d'enfantillages, là au moins tu manges et ensuite tu es sure d'avoir un travail, ce n'est que quatre ans à peine à passer" (1/4 de ma vie). J’ai décidé. Une ordalie. J'ai dit au revoir à Marguerite. Mon père m'a ramenée. Cette fois -a-t-il observé ensuite-, elle n’a pas pleuré. Elle est en train de s'habituer. J'ai avalé tout ce que j'ai trouvé (que j'avais préparé) et dans la salle de chimie -déserte pour la journée- et j'ai attendu. C’est allé très vite. Gisèle m'a "trouvée". Je me suis réveillée. "Pourquoi?".. "On ne sait pas. On ne comprend pas".. "Ça doit être la crise d'adolescence." Bien sûr !! 

Ils m'ont envoyée à Delpierre -c'était l'EN qui payait, eux ne le pouvaient pas sans doute ou n'en voyaient pas l'intérêt, j'étais en vie après tout et ce n'était qu'un appel au secours, mes veines étaient mal entaillées (je croyais l'artère à gauche) et surtout j'avais vomi en partie le poison (en y ajoutant de l'aspirine pour faire poids). Et puis comme disait Germaney j'appartenais à l'EN à présent-. Il m'a guérie tout de suite. Par le rire qui l’a envahi lorsque je lui ai conté certains épisodes de ma vie. J'ai ri aussi. Drôles en effet. C’était donc eux qui étaient "fous", pas moi. C'est son regard extérieur qui a tout changé. Il a exigé que je quitte l'EN. Mes parents ont demandé aux Instances Supérieures -qui leur faisaient si peur- si je resterais tout de même normalienne. Pour mon avenir car ils n'étaient sûrs de rien, l’affaire de mon père démarrait seulement. On leur a dit oui. "Externée sur avis médical." Ils m'ont donc reprise, bien obligé. Rassurés aussi : j’aurai un travail. Je l’avais déjà en un sens. Au fond, ils n'étaient que de pauvres gens bradant à l'encan l'enfant -pourtant unique!- qui les encombrait. Il me fallait encore deux ou trois ans -le bac- et partir. J'étais seule. Je ne pouvais compter que sur moi, je venais de le voir. Je me suis sentie libre. Sans amour mais sans illusions. Forte, lucide. Amère aussi mais savourant tout de même ma liberté. Devenue adulte le temps de boire tout le verre à essai. C'était fini de l'amour (ou de l'estime.) J'étais née au fond de ce verre. 

Tout est revenu en force depuis que je vais devoir en finir avec Tess. Rejet, mon abandon à 15 ans à l'EN pendant qu'ils  déménageaient joyeusement à 300 km pour St A. où mon père allait créer son affaire qui devait nous sortir de la gêne qui confinait à la misère -ce fut le cas-. La pauvreté qui les a fondés à me laisser malgré mes supplications et mon désir -avoué- d'en finir, ma tentative de suicide, ma "récupération" (comme on récupère un encombrant refusé par les chargeurs) malgré eux.. mais l'EN l'avait imposé... malgré mon père surtout car ma mère avait réellement eu peur.. puis l'agression.. Ma vie s'est scindée en deux : j'ai compris ou plutôt réalisé qu'ils ne me gardaient que dans l'idée que j'allais partir le plus vite possible.. Je n’avais pas droit à l'erreur (en d'autres termes si tu n'as pas le bac, dehors).. 

Et toi, mon embellie enfin, la seule personne qui m'ait réellement acceptée.. Un temps. Ça revient en force. Je t'ai aimé tant et tant... pourquoi tout a-t-il fini ? C'est comme ça. Pourquoi ai-je refusé un autre -en un sens-? Je ne peux sans doute pas admettre qu'on m'accepte. Comme Tess.. qui me ressemble. Pour les mêmes raisons. Sauvage, agressive -au début- sauf avec moi, elle avait dû comprendre qu'on était sœurs de misère. Je joue à présent avec elle le rôle que tu as joué avec moi. Bisous à tous deux. 

Le problème est qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre l'amour la haine. Tout comme il n'y en a pas entre le désir et la répulsion. Pas de zone neutre. Pour moi du moins. Ou on désire ou on est dégoûté à vomir. La haine empêche de ressentir l'amour (et la souffrance qui s'ensuit lorsqu'il est bafoué.) Mais lorsque vient enfin la sagesse (l'acceptation de la déchirure, de l'absence définitive) la douleur survient en même temps : il n'y a plus la haine pour annuler amour et souffrance. Pour les névrosés post traumatiques anciens dont je suis, tout reflue en même temps, submerge et envahit. La fin de Tess m'évoque ce passé, l'abandon. Ne pouvoir te revoir aussi. La finitude de notre amour (la finitude concrète: peut-être nous ne nous reverrons jamais, ce que dont j'ai le pressentiment) réactive celui que j'ai voué en vain à ma mère ; ça devient si lourd, si poignant que je pleure -moi qui ne pleure presque jamais.-

Ou il y a la haine qui avilit ou la sagesse qui déchire. C'est comme un deuil. Un cercle vicieux : la seule personne qui pourrait consoler d'une perte déchirante est justement celle qu'on a définitivement perdue. Ça reflue. Souvenirs cruels.

J'avais 15 ans. J'ai supplié qu'ils me reprennent. En vain. Ils m'ont dit : "C'est la vie." Je leur ai dit plusieurs fois qu’enfermée dans cet internat, seule, bouc émissaire, j'en mourrais. Ils m'ont dit : "Allons trêves d'enfantillages, là au moins tu manges et ensuite tu es sure d'avoir un travail, ce n'est que quatre ans à peine à passer" (1/4 de ma vie). J’ai décidé. Une ordalie. J'ai dit au revoir à Marguerite. Mon père m'a ramenée. Cette fois -a-t-il observé ensuite-, elle n’a pas pleuré. Elle est en train de s'habituer. J'ai avalé tout ce que j'ai trouvé (que j'avais préparé) et dans la salle de chimie -déserte pour la journée- et j'ai attendu. C’est allé très vite. Gisèle m'a "trouvée". Je me suis réveillée. "Pourquoi?".. "On ne sait pas. On ne comprend pas".. "Ça doit être la crise d'adolescence." Bien sûr !! 

Ils m'ont envoyée à Delpierre -c'était l'EN qui payait, eux ne le pouvaient pas sans doute ou n'en voyaient pas l'intérêt, j'étais en vie après tout et ce n'était qu'un appel au secours, mes veines étaient à peine entaillées (je ne savais pas l'emplacement de l'artère, je la croyais à gauche) et surtout j'avais vomi le poison (en y ajoutant de l'aspirine pour faire poids). Et puis comme disait Germaney J'appartenais à l'EN à présent-. Il m'a guérie tout de suite. Par le rire qui l’a envahi lorsque je lui ai conté certains épisodes de ma vie. J'ai ri aussi. Drôles en effet. C’était donc eux qui étaient "fous", pas moi. C'est son regard extérieur qui a tout changé. Il a exigé que je quitte l'EN. Mes parents ont demandé aux Instances Supérieures -qui leur faisaient si peur- si je resterais tout de même normalienne. Pour mon avenir car ils n'étaient sûrs de rien, l’affaire de mon père démarrait seulement. On leur a dit oui. "Externée sur avis médical." Ils m'ont donc reprise, bien obligé. Rassurés aussi : j’aurai un travail. Je l’avais déjà en un sens. Au fond, ils n'étaient que de pauvres gens bradant à l'encan l'enfant -pourtant unique!- qui les encombrait. Il me fallait encore deux ou trois ans -le bac- et partir. J'étais seule. Je ne pouvais compter que sur moi, je venais de le voir. Je me suis sentie libre. Sans amour mais sans illusions. Forte, lucide. Amère aussi mais savourant tout de même ma liberté. Devenue adulte le temps de boire tout le verre à essai. C'était fini de l'amour (ou de l'estime.) J'étais née au fond de ce verre. 
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Puis je t'ai rencontré. Tout était oublié. Un poids m'était enlevé. A jamais. Une porte s'ouvrait sur un chemin sans fin. Dans la lumière éternelle. Éternelle? Trois ans. Mais merci pour ces trois ans. Et à Didier qui a parachevé ton œuvre, me prouvant qu'on pouvait me désirer, désirer, adorer ce corps qu'à force je ne voyais plus. Puis le long délitement d'un bonheur saccagé qui n'en finissait pas de mourir. La route s'est barrée. A été barrée. Et on m'a expulsée du chemin illuminé. Comment puis-je croire que je mérite qu'on m'aime puisqu'on ne m'a jamais aimée ? (Comme être.) C'est tout. Tess va mourir et cette fois je n'y peux rien. Tout mon amour pour cette chienne que j'ai sauvée (et vice versa) et qui est moi arrive en buttée contre des salauds -mais le sont-ils tellement plus que mes parents?- qui l'ont esquintée, une blessure ancienne (le manque de soins, la solitude) puis abandonnée avec un seau de croquettes et un autre d'eau... dont elle se meurt à présent sans que je n'y puisse rien. 

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