lundi 5 mai 2014

Un article de médiapart, la femme qui a dit "non"

J’AI DIT NON

Hier soir je suis rentrée de soirée, seule, comme une grande fille. Il était 4h du matin, j’ai pris le Noctambus par soucis d’économie et de rapidité. J’écoutais ma musique, j’étais posée, je regardais par la fenêtre.
Puis quatre hommes de 25/30ans montent dans le bus. Ils s’assoient dans le carré à côté de moi. Ils parlent, rigolent, font leur vie. À un moment donné, l’un d’entre eux s’avance dans mon carré, face à moi, et me dit « coucou !! », je ne relève pas. Il me dit « tu veux pas parler ? » donc je réponds que non, merci mais je ne désire pas parler. Mon visage est froid, un poil dur mais pas agressif. Là, monsieur regarde ses copains et dit « mais je fais ce que je veux en fait ! » tout en se rapprochant très très fortement de moi. À ce moment précis, monsieur ose la chose qu’il n’aurait jamais dû faire. Il faisait alors rire ses copains, comme si effrayer une jeune femme seule dans le bus la nuit était super fun, comme si ça pouvait leurs procurer un peu d’adrénaline. Il ose donc poser une main sur ma cuisse droite. Il n’aurait jamais dû.
Je n’ai rien calculé, j’ai juste eu toute la haine que je peux avoir envers ces hommes qui se pensent tout permis, qui me prennent pour un bout de viande, au quotidien, dans la rue. Qui jugent ma façon de m’habiller, comme une provocation ; en jogging, en slim, en short, en robe, tout est provocation et tout est une excuse pour faire chier et se permettre de juger, apeurer, violenter et violer.
Je n’ai eu qu’une seule réaction : lui adresser une droite bien placée dans la mâchoire. Bien entendu j’étais assise, je n’avais pas de recul et la droite est parti de façon très spontanée sans que je puisse vraiment gérer mon coup. Mais je l’ai sonné. Monsieur est tombé en arrière, il avait la bouche en sang et surtout, il a hurlé « mais elle est baisée !!!! » Ses potes avaient une tête apeurée. Je suis restée assise, le visage fermé, l’œil toujours noir, la mâchoire serrée, et les poings prêts à une deuxième distribution. Mon cœur battait vite, très vite. Là, deux autres mecs, présents depuis le début, ont pris la décision de les virer du bus. Le trajet a continué, personne ne m’a parlé, personne n’a relevé mon geste. J’étais la seule fille, je n’étais pas fière. Puis mon arrêt, je suis rentrée chez moi. Il m’a fallu 1h30 pour redescendre et trouver le sommeil.
Maintenant je cogite : si je n’avais pas réagi, que m’aurait-il fait « pour rire » ? Depuis quand faire peur et menacer fait rire ?! Qui sont-ils pour penser pouvoir prendre le contrôle de mon corps, communiquer avec moi sans me demander mon avis ? Qui est le plus baisé de l’histoire ? Celui qui agresse ou celle qui se défend ? Je suis heureuse d’avoir réussi à me défendre, d’avoir appliqué mes cours de boxe pris il y a quelques années. Mais je suis moins heureuse d’avoir dû taper un homme pour me protéger, et d’avoir eu si peur.
Aujourd’hui il doit avoir mal à la mâchoire, et doit dire au monde entier qu’il s’est battu avec un con à la fin de la soirée. Mais il doit se sentir mal au fond d’avoir été sonné par une femme parce qu’il a osé lui manquer de respect.
Alors non, tu n’as pas le droit de faire ce que tu veux. Non je ne suis pas ta chose. Non je ne suis pas ton casse-croûte de fin de soirée. Quand je dis « non » ça ne veut pas dire oui. Et Oui nous t’emmerdons, mon short, ma fierté et moi.
B.

25 Comments

  1. De Saint Léger Sarah
    J’aurais aimé pouvoir faire ça plus d’une fois !
  2. Just1m0t
    Bravo d’avoir eu cette réaction !
    Signé : un garçon qui a parfois honte de ses congénères…
  3. Idrillyria
    Plus je lis des témoignages de ce genre, plus je me dis que c’est faisable. Donc merci pour ton geste, et merci aussi pour ton témoignage.
  4. Respect. Et admiration.
  5. Sophie
    Bravo pour le courage ! je suis apeurée et attristée de la manière dont certains hommes considèrent les femmes, en effet comme des objets… se demandent-ils si leurs mères sont fières d’eux ? celles qui deviennent des objets pour d’autres hommes que leur fils….
  6. inkquery
    Tu as eu pleinement raison et qu’importe qu’il raconte au monde entier s’être battu avec Goliath, il sait au fond de lui que David l’a remis à sa place !!!
  7. Wahou, merci beaucoup pour ton témoignage et bravo pour ton courage !
  8. fgirardey
    Bien sur que c’est possible, félicitations pour cette belle droite, je pense que ça a du lui remettre les idées en place. Vous devriez être fière justement, les seuls qui devraient avoir honte, ce sont ces hommes qui vous obligent à en venir là…
  9. Je peux comprendre la peur que tu as pu avoir à 4h du matin, seule, face à un garçon qui pour te faire peur a enfreint ton espace personnel mais ça ne justifie pas un tel acte de violence.
    Certes il n’avait aucun droit de poser la main sur toi, mais il faut savoir controller ses actes et comme tu le soulignes dans le titre de ton article : il faut savoir dire non, avec des mots.
    « mais je fais ce que je veux en fait ! », t’aurais du le recadrer en lui disant « non tu fais pas ce que tu veux », « tu me laisses tranquille », « éloigne toi de moi ».
    « si je n’avais pas réagi, que m’aurait-il fait « pour rire » ? » avec des si on peut refaire le monde, il aurait pu te violer comme simplement rien faire, il aurait pu aussi se relever et te rendre la patate que tu lui as mis.
    Le fait que tu ai fait de la boxe ne t’autorise pas à utiliser tes poings en dehors d’un ring et en dehors des règles du sport. La défense par l’attaque est à utiliser en extrême nécessité.
    Alors je ne sais pas dans quelle situation exacte tu étais et à quel niveau de stresse/d’ébriété tu étais soumise mais faut faire attention à ses actes.
    C’est là que je me dis qu’heureusement les armes à feu ne sont pas en vente libre en France…
    Evidemment je ne cautionne pas ce genre d’acte que cet individu a fait, mais des cons il y en a toujours et il y aura encore.
    Vous étiez tout deux, au final, ridicules.
    • yatagan
      Tu sais lire , Max ?
      A la question « tu veux parler » elle a déjà répondu : « non, merci mais je ne désire pas parler » ce n’est pas suffisant ?
      Qui a le droit de toucher quelqu’un ? Personne.
      Il n’avait pas compris qu’elle ne voulait pas parler, il s’octroie le droit de faire ce qu’il veut, et elle, elle doit discutailler pour obtenir le simple droit de ne pas être touchée ?
      Et puis, je vous prie de bien vouloir m’excuser mais personne ne peut croire que ce genre d’individu dans cette sorte de situation n’a l’intention de « discuter », d’écouter le beau et bon discours que tu proposes.
      Précisément il n’y a pas eu d’arme à feu, elle a été touchée, et elle a fait la même chose : elle l’a touché. C’est bizarre comme il est facile de la condamner en accordant de si belles circonstances atténuantes à l’agresseur, car il s’agit bien d’une agression, n’est-ce pas ? Tu ne peux pas nier qu’il s’agissait bien d’une agression.
    • Aipe
      Whaaaat?? oO Nan mais chut quoi (j’ai du mal à être polie).
      B. Merci pour cette droite, celle là même que j’ai encore jamais réussie à donnée, parce que trop la trouille, pas assez confiance en moi, trop tétanisée…
      B. j’espère avoir un jour ton courage, en attendant je peux juste te soutenir face aux commentaires de ce genre de personnes qui pense qu’une main sur la cuisse c’est rien…
      Ca a été une journée dure, heureuse de la terminer en lisant ton témoignage, t’es une battante quoi! Je peux l’être aussi. <3
  10. Aucune honte à avoir, dis toi que tu lui as rendu service ainsi qu’à d’autre personne, il recommencera peut être pas comme ça.
    Alors bien sûr il ne faut pas réagir comme ça à tout bout de champs et pour la moindre provoc mais la, ça parait justifié.
    Un garçon qui approuve Just1m0t.
  11. @Max : tu as tort. Tout comme une cohorte de bonhommes forts sûrs d’eux-même, qui savent ne rien risquer en toute circonstance. Dans ce troupeau, il y a ceux qui comprennent pas autrement qu’avec la violence.
    Si face à eux se retrouve une personne normale comme « victime » potentielle, il est normal que cette personne normale ait une réaction normale.
    Une personne normale n’a pas forcément envie de faire de la pédagogie quand son intimité se fait violer.
    Inutile de rapporter des arguments pacifistes culpabilisant lorsqu’on agit pour se défendre.
    Quand on veut déstabiliser une personne normale, il faut s’attendre à n’importe quel type de réaction.
    Le bonhomme en face pouvait réfléchir avant. Peut-être le fera-t-il désormais. C’est aussi comme ça qu’on apprend.
  12. @Max : tu as tort. Tout comme une cohorte de bonhommes forts sûrs d’eux-même, qui savent ne rien risquer en toute circonstance. Dans ce troupeau, il y a ceux qui comprennent pas autrement qu’avec la violence.
    Si face à eux se retrouve une personne normale comme « victime » potentielle, il est normal que cette personne normale ait une réaction normale.
    Une personne normale n’a pas forcément envie de faire de la pédagogie quand son intimité se fait violer.
    Inutile de rapporter des arguments pacifistes culpabilisant lorsqu’on agit pour se défendre.
    Quand on veut déstabiliser une personne normale, il faut s’attendre à n’importe quel type de réaction.
    Le bonhomme en face pouvait réfléchir avant. Peut-être le fera-t-il désormais. C’est comme ça qu’on apprend.
  13. Brava! Et @Max: Malheureusement, nous vivons dans un monde où les violences sexuelles sont quotidiennes et constituent un réelle danger pour les femmes. Elles font partie d’un système sexiste, et la limite entre la rigolade et la violence n’est difficile à établir que pour ceux qui sont dans la position dominante. Pour les femmes, c’est clair quand le danger commence: quand on est la seule fille dans un bus au milieu de la nuit, qu’on a quatre rigolos qui transgressent des limites déjà posées verbalement et non verbalement et quand personne d’autre ne réagit. Notre auteure avait tout le droit de penser qu’une agression était imminente et de se défendre physiquement. Ceci pour le contenu de ton poste.
    Et maintenant sur la forme: les « tu aurais du » sont facile à énumérer quand on n’a pas été soi-même dans cette situation, quand on n’avait pas de poussée d’adrénaline, quand le cerveau ne tournait pas à 180 à l’heure pour trouver une sortie de cette situation. Et (peut-être) quand on est confortablement assis dans sa position du dominant. Je te félicite d’arriver à culpabiliser une femme qui avait toutes les raisons du monde pour avoir peur d’avoir eu peur, à appeler ridicule une femme qui avait toutes les raisons du monde pour résister d’avoir résisté. Et en passant, de ramener cette situation à un incident tout à fait individuel, uniquement du au statut de « cons » des agresseurs, mais pas à une quelconque inégalité entre femmes et hommes qui traverse tous les aspects de notre société. C’est exactement ce discours apologétique des agresseurs qui fait qu’aujourd’hui encore, certains hommes pensent que tout leur est permis et d’autres que ce n’est pas de leurs oignons quand deux mètres plus loin, une femme est intimidée et agressée. Merci d’avoir illustré pour nous comment fonctionne la mentalité de ceux qui se croient égalitaires sans jamais bouger le petit doigt pour cesser les violences.
  14. nesto
    BRAVO! ;)
    et tjs ces mecs qui viennent dire qu’une femme a mal évalué la situation, qu’elle exagère, qu’elle en fait trop! Si tu as réagi comme ça c’est que tu t’es sentie menacée ;) Il a dépassé les limites que tu avais clairement posées. Bravo pour ça. Et merci aux hommes qui viennent dire qu’ils comprennent, ça remonte le niveau des gros lourds qu’on croise tous les jours!
  15. Avril
    J’aime ce genre de débats-
    En effet pour en revenir au commentaire de Max (encore oui), et comme c’est dit ensuite, la limite entre l’action et l’agression est ténue et très personnelle. Dans ce cas il y aura autant de versions que d’acteurs (y compris les témoins). Qui décide que c’est une agression mise à part la victime? Entendrons nous jamais quelqu’un dire « oui je suis un agresseur », ou « hier j’ai agressé quelqu’un ». On entendra plutôt « Hier j’ai été agressé(e) » ou « je me suis SENTI(E) agressé(e). » Car tout est discutable selon la position que nous avons lors de ces évènements. Je trouve vraiment dommage que tu aies à préciser « Alors je ne sais pas dans quelle situation exacte tu étais et à quel niveau de stresse/d’ébriété tu étais soumise mais faut faire attention à ses actes. » …..Remettons les choses dans leurs contextes, pour moi, ces paroles devraient être adressées au garçon sans foi ni loi, surtout pas à « B. » l’auteure du témoignage!! « Dans quel état d’ébriété tu étais »….est ce vraiment ce que tu penses? Car il faut forcément être soul pour agir comme ça et être réactif dans sa défensive? En effet je ne défends pas le fait qu’elle ait cogné en premier, mais si elle s’est sentie agressée, alors c’est à elle de juger la réaction à avoir. Elle a frappé comme elle n’aurait sûrement pas du tout aimé être frappée, mais elle a été agressée en premier, à elle de se défendre. Ce n’est pas de l’offensive et ce n’est pas elle qui les a « cherchés » clairement.
    Une partie de moi me pousse à me dire « encore un exemple qui m’incite à prendre des cours de boxe », et comme j’aurais aimé faire la même chose à mes malfaiteurs….et une autre partie me dit « Que se serait il passé si elle n’avait pas frappé? » Peut être l’aurait-on laissée seule et sans plus d’histoire. Cela aurait été moins traumatisant pour tout le monde. Mais dès que je pense ça, je repense à la scène, et oh combien ça m’est arrivé et comme je sais que ça a pu partir beaucoup plus loin en une fraction de seconde, et bien sûr pas à mon avantage….alors pour nous tous (bien sûr hommes inclus selon moi), merci pour ce témoignage. Il laisse à réfléchir. Je ne condamnerai surtout pas ton coup mais ne puis te dire bravo non plus, je sais que cette « victoire » est tout à fait personnelle…..
    Tout cela est un peu difficile à exprimer et j’espère que mes propos ne seront pas mal traduits. Bonne journée et bonne continuation à tous.
  16. Fred
    Juste un petit commentaire. En lisant vos commentaire j’ai beaucoup d’ironie. C’est aberrant comment on trouve les violence donner au homme quelque sois la situation sont toléré et justifier. A situation inverse on aurais frôler le scandale. On aurait entendut des phrase du type:  » on ne tape pas une femme…, il n’y a pas d’excuse pour lever la main sur une femme. Ça laisse a réfléchir sur l’égalité homme femme que vous réclamer tant. Mais pas sur tout les points. Si je peut le permetre même si tu a eu peur je pense que la réaction es disproporsiner. D’autant plus que tu n’était pas seul comme dit.
    Pour vous donner un exemple personnel . Plusieur fois dans ma vie j’ai eu des remarque raciste par rapport a mes origine. Beaucoup ce serait dit si il a coup c’est justifier après de tel propos. Mais vous savez que devant les tribuneaux qui se rappèlera de la main sur la cuisse ou des insulte raciste. Mais par contre un ce rappèleront et veront ton coup portez. Tous ça pour te dire que je connais des personne qui on du payer des dommage et intérêt après des situation comme ca. A vie je pense pas que c’est que tu souhaite…. A méditer
    • Aipe
      On en reparle quand le nombre de femmes morts sous les coups de leur compagnon sera le même que le nombre d’hommes morts sous les coups de leur compagne. Quand les femmes et les hommes se feront autant violer les uns que les autres? D’ici là comme Max, chut tu sais juste pas de quoi tu parles ;)
  17. J’aimerai tellement croire qu’il a appris quelque chose avec cette situation… ma foie en l’humain me fait penser que son ego va lui creer une version de la realite qui lui permet de continuer a etre con… Jpense que c’est ce qu’il faisait deja avant que ca arrive.
    Kudos pour la reaction! ;-)
  18. Arnaud Parienty
    Réaction non calculée, comme vous l’expliquez, mais dangereuse. J’avoue mal comprendre les commentaires qui disent « bravo ». Certes, il y a là une certaine justice. Mais le risque physique était très élevé. Et la violence n’est pas forcément une bonne réponse (je ne sais pas quelle est la bonne réponse).
    Ca me fait penser au film de Cronenberg The End of Violence, dans lequel le réalisateur manipule le spectateur, qui finit par comprendre qu’il y a un problème dans le plaisir qu’on prend à voir le violent victime de la violence.
    • Louli
      Arnaud : la violence, quand elle vient par surprise d’une personne dominée et en infériorité numérique, en particulier d’une fille et dans ce genre de contexte, n’aggrave quasi-jamais la situation (j’ai lu moins de 3% des cas dans des manuels et docus d’auto-defense). Elle stoppe net le plaisir pervers de dominer qqn par la peur.
      Pour l’avoir plusieurs fois utilisée, elle a toujours mis fin a la situation. Evidemment je ne parle pas de deferlement de violence, mais d’un coup bien placé qui dira « non »..
  19. Anon
    Je vais m’attraper les foudres de certains commentateurs, mais je pense que faire justice soit même n’est jamais une bonne chose.
    Tu devrais aller porter plainte, avant que la personne qui t’a agressée ne le fasse.
    Sinon, voilà le genre de choses qui peut arriver à avoir ce genre de comportement: http://yagg.com/2014/04/09/agression-a-la-mutinerie-la-justice-condamne-la-victime-pour-setre-defendue/
    Amicalement.

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