jeudi 22 mai 2014

Souvenez-vous, c'était il y a 40 ans, Anne Tonglet et Aracelli Castellano, à qui nous devons la criminalisation du viol


http://teleobs.nouvelobs.com/la-selection-teleobs/20140306.OBS8700/le-proces-du-viol.html

En 74, le viol était seulement qualifié de coups et blessures.. (!) et rares, rarissimes étaient celles qui osaient porter plainte! Anne et Aracelli ne faiblirent pas : elles ont pourtant vécu l'enfer, (ceci après les viols en réunion qui durèrent toute une nuit, l'isolement, la perte de son emploi -provisoire j'espère- pour l'une qui n'avait plus la force de s'occuper de jeunes enfants) enquêtes de "personnalité", (leur homosexualité pesa lourd contre elles), examens gynécologiques, psychiatriques*, insultes, crachats de la part du Comité de soutien musclé des violeurs, menaces etc.. et la premiere manche de l'affaire se termina en eau de boudin, tout ça pour aboutir à presque rien, une claque sur les doigts!.. ce qui déclencha une campagne de révolte féministe sans précédent que je n'oublierai jamais.. et aboutit enfin à la modification de la loi. Le second round, c'est Halimi qui les défendit.. et les violeurs prirent 4 et 6 ans : à partir de cette date, plus rien ne fut comme avant. Le viol était reconnu et criminalisé, et d'autres levèrent la tête et osèrent porter plainte.. enfin n'exagérons rien, une sur dix! mais avant c'était quasiment zéro. Merci à elles!
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* Un psychiatre, après avoir entendu Anne lui narrer les scènes d'horreur et de tortures qu'elles avaient subies durant 5 (?) heures, osa lui demander : "Bon, et ça vous a apporté quoi?"
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Choisir une société sans viol  


couv viol le procès d'aix.jpgLe procès D'Aix-en-Provence  a marqué une étape cruciale de la  criminalisation du viol - autrement dit de la reconnaissance judiciaire et sociale de sa gravité. 
« Violées, saccagées » selon leurs propres termes (p. 400),  deux jeunes femmes, l’une belge, l’autre espagnole, ont été défendues par Agnès Fichot et Gisèle Halimi, Choisir et le Collectif SOS femmes violées. Refusant la requalification du viol en coups et blessures, prononcée à la suite de « l’instruction suspicieuse et partiale d’une femme juge d’instruction » (p.31), elles ont été « les premières à rompre le silence et les habitudes » (Martine Storti, Je suis une femme, pourquoi pas vous ?, Michel de Maule, 2010, p. 196).

L'ouvrage, malheureusement épuisé, Viol, le procès d’Aix (idées/Gallimard, 1978) rassemble les débats qui ont eu lieu les 3 et 4 mai 1978 dans la Cour d’Assises des Bouches-du-Rhône. Grâce à la reconnaissance en Cour d’Assises du caractère « criminel » des viols et violences que trois « garçons » leur avaient fait subir, Anne Tonglet et Araceli Castellano purent enfin « sortir de cet interminable tunnel » dans lequel elles étaient terrées depuis leur viol, le 20 août 1974 (p. 398). Elles purent enfin retrouver leur « dignité » (p. 31), c'est-à-dire la reconnaissance sociale de leur qualité de sujet.
Couple de lesbiennes, elles avaient fait l’objet d’un viol vengeur et enduré les « plus ignobles violences » (p. 31), sous le prétexte que l’une d’elles avait repoussé les avances d’un candidat au titre officiel de « fier-à-bras » (p. 59) ; l'un de ces «vantards» orgueilleux, susceptibles et agressifs, qui n’acceptent pas d’avoir été «envoyés promener» par une jeune femme (p. 59-60, p. 62, pp. 65-66). Il s'agissait là, en somme, du cas typique d'une "virilité" qui se conquiert ou reconquiert sur et contre les femmes.

Remis en liberté 5 semaines après leur crime, les trois accusés prétendaient que « les filles » avaient « joué le jeu », qu’elles étaient consentantes, ou du moins « relativement consentantes » (p. 72, pp. 54-55, p. 61). Il ne se serait agi que d’une drague insistante : «Je n’ai rien compris, dit l’un d’entre eux, on avait discuté pour draguer. Alors que j’insistais, l’une d’elles me donne un coup de marteau» (p. 72).

Devant le Palais de justice, les plaignantes et leurs avocates sont "bousculées, injuriées, molestées" (p. 404), sans que les forces de l'ordre n'interviennent. Au cours du procès, les policiers se montrèrent "particulièrement hostiles" : "Un viol... pensez donc ! Vous y étiez... vous ?", ou encore : "Qu'est-ce que c'est que ce cinéma'?" (p. 404)
Leur lesbianisme et leur goût pour le camping sauvage ont été présentés par les avocats de la défense comme attestant d’une «marginalité» suspecte constituant une circonstance atténuante pour leurs agresseurs ! (Françoise Picq,  Libération des femmes, quarante ans de mouvement, éditions Dialogues.fr, p. 294-295).

Lorsque la défense tente de faire valoir "l'innocence des accusés", elle est applaudie par une salle où n'ont pas été admises "les femmes de Choisir ni celles des autres mouvements féministes", la majorité des places étant occupée par les partisanEs des accusés. 
"Une véritable attaque punitive" avait même été prévue contre les plaignantes et leurs soutiens au sortir du Palais de justice. Par la suite, Gisèle Halimi, Agnès Fichot ainsi que les militantes de Choisir ont reçu des menaces de violence et de mort (p. 405)...  

Or, jusqu’à ce quelles obtiennent justice, Anne Tonglet et Araceli Castellano étaient, précisent-elles le 12 mai 1978, dans Libération (3) : «au bord du suicide, en danger de mort continuellement. Non seulement à cause de la crainte des représailles de ces violeurs-truands, mais aussi à cause de l’horreur du crime qui nous a réduites au fond de nous en cendres » (p. 398). Et leur combat contre le viol s’est inscrit dans un « combat fondamental pour un changement profond des rapports entre les hommes et les femmes et donc nécessairement de société ».
Elles soulignent qu'« un gauchiste qui viole, un prolo qui viole, un PDG, un ministre, etc. qui violent ne peuvent pas prétendre à ce changement, ou alors quelle insoutenable contradiction" (p. 398).
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L'article "L'amour violé" 
 http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/proces-d-aix/
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LE DOSSIER
http://femmesavenir.blogspot.fr/2014/03/nous-nirons-plus-au-bois-le-viol-mini.html

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