C'était il y a longtemps. Nous passions nuit et jour à l'hôpital d'Alès où Marguerite était hospitalisée pour un col du fémur -elle guérit, elle était solide, malgré une seconde fracture occasionnée par une négligence du personnel qui n'avait pas mis les barrières de sécurité.- Dans la chambre, se trouvait une forte paysanne qui s'était cassé le bras.. et une très vieille dame grincheuse qui alternait des phases de semi coma, de plus en plus longues, au cours desquelles on redoutait toujours qu'elle ne fût morte et des phases d'éveil durant lesquelles, d'une voix aigre, étonnamment forte et articulée, elle protestait pour une raison ou une autre. Dotée d'un petit appétit, elle refusait de laisser ce qu'elle dédaignait à l'autre -qui, grosse mangeuse, crevait de faim- parce qu'elle voulait "que l'on sache qu'elle ne mangeait pas"... et la pauvre affamée voyait avec tristesse repartir sous son nez des plateaux aux trois quart vides.
Puis ses phases de coma devinrent de plus en plus longues ; personne sauf nous ne s'en souciait. Elle n'avait jamais aucune visite -mais ne s'en plaignait pas.- Il était clair qu'elle s'en allait petit à petit.. Et alors se produisit un phénomène étrange, à la fois signifiant, tragique.. et il faut bien le dire, désopilant : elle déclamait, toujours de sa voix de stentor qui malgré son état ne faiblissait pas, des formules, des maximes toujours identiques qui avaient dû marquer toute sa longue existence.. puis se rendormait.. jusqu'à la prochaine. Parmi celles-ci -qui nous faisait rire aux larmes- sa favorite était : "LES CAILLES TOMBENT PAS TOUTES RÔTIES!" ... il y en avait aussi quelques unes sur la valeur inestimable du travail : "ON EST PAS ICI POUR SE DORER LA COUENNE".. "DANS LA VIE, ON FAIT PAS TOUJOURS CE QU'ON VEUT".. et quelques autres vouant aux gémonies les fainéants et toute sorte de racailles "QUI EN PRENNENT À LEUR AISE." Une sorte de raccourci, de synthèse de sa vie. Nous attendions avec impatience la suivante de la "somme théologique" en espérant que cette fois, elle serait nouvelle.. mais non, "LES CAILLES TOMBENT PAS TOUTES RÔTIES"... et il n'y eût plus rien pendant plusieurs heures : elle était morte sur cette dernière, l'essentiel de ce que l'existence lui avait appris.
Puis ses phases de coma devinrent de plus en plus longues ; personne sauf nous ne s'en souciait. Elle n'avait jamais aucune visite -mais ne s'en plaignait pas.- Il était clair qu'elle s'en allait petit à petit.. Et alors se produisit un phénomène étrange, à la fois signifiant, tragique.. et il faut bien le dire, désopilant : elle déclamait, toujours de sa voix de stentor qui malgré son état ne faiblissait pas, des formules, des maximes toujours identiques qui avaient dû marquer toute sa longue existence.. puis se rendormait.. jusqu'à la prochaine. Parmi celles-ci -qui nous faisait rire aux larmes- sa favorite était : "LES CAILLES TOMBENT PAS TOUTES RÔTIES!" ... il y en avait aussi quelques unes sur la valeur inestimable du travail : "ON EST PAS ICI POUR SE DORER LA COUENNE".. "DANS LA VIE, ON FAIT PAS TOUJOURS CE QU'ON VEUT".. et quelques autres vouant aux gémonies les fainéants et toute sorte de racailles "QUI EN PRENNENT À LEUR AISE." Une sorte de raccourci, de synthèse de sa vie. Nous attendions avec impatience la suivante de la "somme théologique" en espérant que cette fois, elle serait nouvelle.. mais non, "LES CAILLES TOMBENT PAS TOUTES RÔTIES"... et il n'y eût plus rien pendant plusieurs heures : elle était morte sur cette dernière, l'essentiel de ce que l'existence lui avait appris.
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