dimanche 1 décembre 2013

Racisme, colonialisme, classisme, ostracisme, castisme. La pureté. Le corps. L'hygiène et ses kapos


Suite de "les héros sont fatigués" la merde du Prince ne pue pas (lien)


Les "purs" et les "impurs", le dégoûté et le dégoûtant/e,
article à mettre en parallèle avec "le vagin, sale, puant, le dégoût"
http://femmesavenir.blogspot.fr/2014/05/femmes-vagin-la-relegue-pour-cause-d.html




Le premier argument que l'on entend de la part de la part des "purs" autoproclamés (que nous sommes tous plus ou moins, mais du zéro à l'infini) est le dégoût que suscitent les "autres". Sales, puants, mangeant mal et n'importe quoi d' "immonde" (ce n'importe quoi varie lui aussi du zéro à l'infini, la Bible a des diktats rigolos et compliqués ; le Coran, d'autres ; l'hindouisme est plus drastique encore etc..) Des impurs, infréquentables dont à la limite il faut casser l'écuelle après qu'ils y aient mangé. Au nom de l'hygiène. Notons que parfois ces préceptes peuvent avoir une justification, première ou controuvée (par exemple le porc apporterait des maladies spécifiques, exact ; la viande serait malsaine, exact, etc..)

Mais c'est la sexualité qui est le levier de poids. Les femmes en font les frais en tout premier chef. Elles sont sales, elles suintent, ont des menstrues, sentent mauvais etc.. d'où l'interdiction pour elles des lieux sacrés, l'excision-infibulation qui coupe tout ce qui peut sécréter ou l'obère presque totalement. Et la circoncision, qui assèche les glandes autour du gland, devenu nu. (Notons qu'une femme non vierge -dans les cultures islamiques notamment- est dite "sale".) Ses pratiques idem : chez les africains, certaines tribus se moquent d'autres qui font l'amour de telle ou telle manière et vice versa. Des barbares, sales, inéduqués. On ne fait pas ainsi, comme les animaux! Sans que cela ne soit jamais ouvertement formulé (du moins littérairement) c'est cependant un argument de guerre déterminant, de mauvaise foi ou non : une femme "C" -tribu dominante- a été violée par un ou des "B", crime aggravé étant donné leurs pratiques immondes, est donc impure. Idem si elle a été consentante mais là elle risque la mort. La guerre de Troie se décline de multiples manières !

L'étonnement ou parfois en effet le dégoût éprouvé devant certaines coutumes (manger des vers vivants par exemple) peut être exploité à fins de domination ou utilisé d'emblée comme discours-levier de justification du mépris. La question ici n'est pas qu'est-ce qui dégoûte, mais qui domine? Le dominant seul peut être dégoûté et le manifester hautement. S'ensuit l'humiliation du dégoûtant. Rien de pire que d'entendre que l'on pue.. et rien de moins "vérifiable" surtout. Comment l'éviter? C'est le but : la déshumanisation, la honte. Devenu sous-homme, le racisé va s'astreindre à d'infinies ablutions.. en vain évidemment puisque la question n'est pas là. Et parfois transférer sur d'autres un dégoût qui le place au dessus de plus dégoûtants que lui... Notons qu'il n'y a là aucune logique ni base factuelle et que parfois on est même carrément, comiquement à rebours de la réalité évidente : les conquérants européens du 18ième, époque où même les classes dominantes se lavaient peu voire pas du tout* vilipendaient les "indigènes" -qui eux se baignaient plusieurs fois par jour- pour leur "saleté" (!)

L'a-t-on perçu dans toute sa prégnance, le discours nazi est d'abord un discours "hygiéniste" : les juifs sont sales, laids, répugnants. Les roms encore davantage. Les français (voir "Mein Kampft") idem, pratiquement "au niveau des nègres" (Hitler). Sales donc ou même salissimes. Les femmes ? Moyen. Des pondeuses, que l'on accepte tout de même si elles sont blondes et belles. Il en faut. Le discours colonialiste est identique : les africains sont dégueulasses, ils vivent nombreux dans des huttes sans aération, mangent avec les doigts etc.. D'où des maladies. Que ces huttes soient parfaitement architecturées pour protéger du soleil, que la bouse dont elles sont enduite (inodore presque tout de suite) constitue un isolant solide et inusable n'entre pas en ligne de compte: les premiers explorateurs (certains du moins) préféraient périr de chaleur sous leur tentes que se construire les mêmes abris infiniment plus confortables. Ils étaient des dominants, de "vrais" hommes, pas question de copier les sauvages quitte à en mourir. Que les maladies proviennent de l'eau n'entrait pas davantage en ligne de compte. 

Donc le corps et ses aléas ne sont perçus comme dégoûtants que s'ils proviennent de sous-hommes, de racisés. Car ce ne sont pas leurs aléas corporels qui sont dégoûtants, mais eux-mêmes. La merde de Louis XIV et les linges avec lesquels on l'avait torché étaient glorieusement transportés (promenés?!) par des courtisans jusqu'à la fosse qui les recueillait, devant toute la Cour qui saluait, pendant qu'un hérault criant "les matières du Roi" écartait la foule. La notion de relique participe de la même "transsubstantiation" : un produit dégoûtant se transforme en objet de vénération ; le sang, les os putréfies, les sanies suintant des cercueils deviennent objet de culte, se vendent à prix d'or, et assure-t-on font des miracles. C'est donc bien une simple question de domination et non d'hygiène qui est en cause ici. Cela va même à rebours : les indiens qui se "purifient" tous les jours dans le Gange en fait se "lavent" dans une eau fétide et polluée par le nombre de "fidèles".. et par le rejet quotidien de cadavres parfois incomplètement brulés.. et on a pu dire avec humour que le véritable miracle du fleuve sacré était qu'il n'y ait pas davantage de maladies en raison de ces pratiques.

Le racisme touche aussi les classes populaires considérées comme sales, inéduquées, répugnantes. La pauvreté en effet et la promiscuité qui s'ensuit rendant inévitable le spectacle de la nudité (en famille) et audible le bruit des défécations, mixtions.. voire d'actes sexuels, d'appartements à appartements, il est facile (et injuste) d'en rire. Zola lui même s'étend longuement sur la toilette effectuée dans la pièce commune, dans la même eau, sur les cris des voisins et les bruits des crachements entendus d'une maison à l'autre. Que cela provienne seulement de la nécessité n'entre pas en ligne de compte: "ils" sont infréquentables. Des sous-hommes. Tarés. Alcoolos. On a ici une inversion banale des causes et des conséquences.

 Le viol de son intimité constitue l'élément le plus blessant qui soit pour l'être: il n'est pas un homme mais un animal qui ne peut se cacher des autres et que l'on se permet d'aller regarder comme au zoo. C'est ce dont les détenus souffrent le plus en prison ou en internat hard. A l’École Normale d'Aix en Provence, la pionne s'autorisait à ouvrir d'un mouvement sec -que j'entends toujours !- le maigre rideau qui dans le dortoir séparait nos "box" du couloir.. quand bon lui semblait, même la nuit -afin de vérifier que nous étions seules, la peur du saphisme peut-être?- et même de tirer, également d'un coup sec, les couvertures et les draps -afin de vérifier que nous ne nous masturbions pas ou ne dormions pas nues?- Je le ressentais comme une agression sexuelle, d'autant plus que l'une d'elle avait une démarche, une voix et une allure générale assez macho. Là aussi, étant entendu que nous étions pour la plupart issues de classes populaires (donc inéduquées et répugnantes) nous étions implicitement classées en "plus ou moins sales" et certaines camarades rivalisaient d'hygiène.. Notons que les pionnes, issues des mêmes classes, se comportaient en véritables kapos : inspection des lits (défaits à l'improviste, matelas jeté au sol, draps et couvertures en vrac sur le lit d'à côté), des lavabos, des placards; malheur à celles qui y auraient laissé un cheveu -voire un poil- ou une trace douteuse. Je fus ainsi convoquée pendant la récréation et conduite devant toutes manu militari au dortoir pour un crime de ce genre, puis contrainte sous sa surveillance et ses sarcasmes de "refaire" tout (la question était que mes draps étaient froissés, signe évident que je n'avais pas défait entièrement mon lit.. ni lavé correctement mon lavabo où derrière le robinet, on pouvait en se penchant apercevoir une marque de savon).. et à toute allure car les cours reprenaient et tout retard serait sanctionné.. La même méfiance touchait ouvertement nos familles : ainsi exigeait-on des blouses de deux couleurs différentes (on en changeait chaque semaine) pour s'assurer qu'elles étaient bien lavées et repassées tous les week end.

*La princesse Palatine, (allemande), qui se lavait entièrement tous les jours, fut mal perçue au départ à la Cour de Louis XIV: une étrangère qui avait de bien dégoûtantes manies... et une "élégance" désinvolte bien à elle (un jour de grand froid, elle se couvrit d'une pièce de couverture d'où son nom) mais le Roi ayant trouvé cela bien, le lendemain, toutes les dames firent de même.

Femmes. Le vagin, cet objet de dégoût, le dernier bastion à réduire. Milo Moiré : http://femmesavenir.blogspot.fr/2014/05/femmes-vagin-la-relegue-pour-cause-d.html


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Photoshop et l'inconscient.. Étrange, non? Alexandre? ou un Grand Dégoûté... dont il est ici question?


LE DOSSIER "Quand on me parle de culture..."


http://femmesavenir.blogspot.fr/2014/05/cultures-et-racisme.html





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