mardi 10 décembre 2013

L'inverse de la résilience ou "le complexe de Rappin". Pignal, Henry, des hommes ordinaires, juste boulimiques d'argent et pas trop futés

On parle beaucoup de la résilience, concept joyeux certes (lien) mais rarement de son inverse (d'ailleurs il n'y a pas de nom pour le désigner) que j'appellerais le complexe de Rappin (il s'agit de ceux qui enfants ont bénéficié d'un environnement favorisé voire ultra favorisé et qui sont devenus des criminels particulièrement effroyables) Or si on effectue une recherche sur le sujet on s'aperçoit qu'on ne sait rien ou très peu sur les victimes mais presque tout sur les bourreaux (photos, biographies, blogs..) à fins parfois de justification. Trois cas ici de ce type : Georges Rappin; Patrick Henry; Hugues Pignal. 

NOTE: DANS DEUX CAS, LES VICTIMES SONT DES FEMMES; DANS UN, UN ENFANT

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Georges Rappin



 











A gauche, Rappin qui se faisait appeler "Monsieur Bill", surjouant son personnage de dur avec une exagération pathétique, et à droite, une de ses victimes, dont il m'a fallu plusieurs heures pour trouver la photo : Dominique Thirel, une jeune prostituée décrite par son entourage comme "gentille, brune, jolie" ; il n'y en a aucune de son autre victime attestée, Roger Adam ; tout ce que l'on sait de lui est qu'il était ,pompiste, ancien déporté (!) et père de trois enfants.. on ignore également tout de sa compagne, qui ne fut même pas invitée au procès. Que sont-ils devenus? La famille Rappin (qui en avait les moyens) a-t-elle été condamnée à les prendre en charge? Mystère.

Rappin donc, un jeune homme du 16ième, (lien) élevé comme tel avec amour et indulgence (jusqu'au bout il fut soutenu contre toute vraisemblance par ses parents, son père ayant cru jusqu'à la fin qu'il avait été victime d'un complot de la pègre qu'il fréquentait assidument).. fut selon son avocat (Me Floriot, ni plus ni moins) étouffé (sic) par un trop plein de sollicitude de la part de sa mère et de sa grand mère, cédant à tous ses caprices (un caprice dans ce milieu représentant l'achat d'un bar, d'une boîte et autres broutilles..) Complexé par des échecs scolaires successifs, (il se faisait renvoyer même d'établissements privés ruineux et peu regardants et on peut penser que là aussi, ça devait être la faute des profs) voulant jouer les durs ou plus exactement les macs, il "acheta" Dominique dite Domino à son proxénète (car la prostitution, c'est cela, une femme comme un fond de commerce se vend, se négocie) et, en raison d'une soi disant dette de sa part, (elle désirait quitter le "métier" et il exigeait pour la libérer une somme qu'elle ne pouvait acquitter) se sentant floué, (par son ex proxo qui ne l'avait pas pris au sérieux), il la brûla vive (sans doute par maladresse) en prenant tout de même soin d'insister sur les parties de son corps qu'il savait reconnaissables (cicatrices, particularités anatomiques..) idiot mais jusqu'à un certain point... puis se vanta de son haut-fait auprès d'un ami, croyant ainsi s'attirer la faveur des caïds... qui le dénonça. La pègre malgré tout a ou avait ses codes "moraux". (Notons qu'il ne s'en est pas pris au mac mais comme il se doit à la fille-victime.) Dans la foulée, pour faire poids, il avoua un autre meurtre, celui de Roger Adam, un pompiste, qui l'avait traité de petit con, non élucidé et qui ne l'aurait sans doute jamais été.. puis des séries (mais là, invraisemblables) pour être sûr de faire longtemps la "Une". De Dominique Thirel, ON NE SAIT RIEN -SI CE N'EST SON PHYSIQUE-, MÊME PAS SI ELLE AVAIT OU NON DES ENFANTS donc a fortiori ce qu'ils sont éventuellement devenus. Condamné à mort et exécuté. Question : la famille Rappin catho pratiquante a-t-elle dû verser quelqu'indemnité à ses proches? Non puisqu'on ne s'est pas donné la peine de les rechercher (mais peut-être n'y en avait-t-il pas.)

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Hugues Pignal



 









Là aussi, il a fallu une recherche assez longue (mais moins que pour Dominique Thirel) pour dénicher une photo de la victime, sa mère adoptive, Anne Marie Pignal, et pourtant il ne s'agit pas d'une petite prostituée de Pigalle mais de la richissime veuve du PDG d'Hitachi. Lui aussi aurait été mal aimé par des parents généreux et "admirables" mais froids et "inaffectifs" et, n'ayant donc pas bénéficié de suffisamment de câlins (c'est la formule de son avocat et de lui-même) affecté d'un complexe d'abandon (il avait effectivement été adopté à 6 ans)... il aurait compensé en dépensant d'une manière compulsive, effarante même pour le fils du PDG d'Hitachi (20 millions en quelques mois après la mort de sa mère, ce qui mit la puce à l'oreille des flics). C'est justement une menace de restriction de fonds de sa part (elle aurait voulu faire directement hériter ses petits enfants -car divorcé plusieurs fois, il avait quatre gamins- pour leur éviter la ruine) qui aurait motivé l'assassinat... qu'il a toujours nié. Il est récemment sorti de prison, avec un simple CAP.

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  Patrick Henry 

Maintenant
Lors des faits



                       Philippe Bertrand, assassiné à 8 ans 

Lui aussi est issu d'un milieu sans histoires quoique modeste (lien) lui non plus n'a pas connu de problèmes majeurs, du moins rien n'a filtré, (mais si les avocats, qui assurément ont retourné tous les tiroirs n'ont rien trouvé à brouter, c'est bien qu'il n'y avait rien) si ce n'est une scolarité qui ne fut sans doute pas à la mesure de ses capacités, car il n'a qu'un simple CAP de cuisinier lorsqu'il quitte le collège.. et lui aussi est fasciné par l'argent, le paraître... sauf que lui ne peut pas. Ambitieux compulsionnel, après plusieurs échecs professionnels, il envisage autre chose de plus rentable et immédiatement. C'est la seule motivation d'un geste non seulement atroce mais surtout absurde (étonnant lorsqu'on verra ensuite son parcours universitaire) : il kidnappe contre rançon le petit Philipe Bertrand qu'il connait bien. L'assassinat est donc forcément à la clef. Lamentable ratage, issu des flics qui ont foiré la remise de rançon et l'arrestation prévue? de toutes manières programmé? On ne le saura jamais car on n'a pu déterminer à un jour près le moment de la mort de l'enfant. Mais il est probable qu'elle était d'emblée dans le plan.

C'est l'hallali.. La foule déchaînée hurlant devant le palais de justice "à mort".. et Badinter qui trouve là le cas le plus lourd de toute sa carrière.. mais aussi le plus intéressant : le plus à même de faire enfin abolir la peine de mort (du reste, il ne s'intéressa pas à l'homme, comme s'il redoutait qu'en voyant le personnage cela ne gênât son inspiration): si celui-là n'est pas condamné à mort, alors plus personne ne pourra l'être ensuite. (Faux, comme l'observe avec un certain cynisme Patrick Henry lui-même.) Il sauve sa peau et devient un symbole. C'est le fameux "vous ne le regretterez pas", qui après coup sonna de manière grotesque.


En prison, malgré une attitude de détenu modèle (parti d'un CAP, il passe une licence de maths et un DUT d'informatique) les gardiens ne l'apprécient guère (ni personne). Il n'a pas d'amis (si ce n'est ceux qui peuvent le servir) se montre méprisant et arrogant envers ceux qu'il ne juge pas à son niveau, manipule, plastronne, ne redoute rien (même pas les caïds qui n'aiment pas les tueurs d'enfants). Du reste, il n'avait pas flanché lors d'une "audition" un peu particulière, à un moment où on croyait encore l'enfant vivant, lorsque des flics l'avait amené en forêt de Fontainebleau et mis en joue pour qu'il parle : le coup de feu tiré juste au dessus de sa tête ne l'a pas fait avouer. Il semble aussi n'avoir guère de remords si ce n'est pour déplorer les conséquences sur lui de son acte et en filigrane, cela se perçoit au cours de ses interviews, s'en plaindre. (Il ne le formule pas directement mais sous entend que sa vie est un enfer ; il suscite partout recul, rejet ou invectives, les journalistes l'épient sans répit etc... Une certaine indécence tempérée par un logos bien maîtrisé, -sans doute briefé par des militants pour la réinsertion qui l'ont aidé.-)

Bosseur, il fait fonctionner l'imprimerie de la prison qui se met à rapporter pas mal d'argent (à lui aussi). Et il est remis en liberté : il y a des héros qui "y" croient, sont prêts à payer de leur personne pour la cause et qui, comme Badinter pour la peine de mort, veulent  démontrer que "cela" est possible même dans le cas le plus perdu qui soit. Il est donc engagé par un imprimeur...

Et lui qui se plaint des journalistes, (il a entre temps écrit un livre, refusé par plusieurs éditeurs puis accepté par un avec avance) commence à monnayer ses interviews. Chez lui, qu'elles que soient les circonstances, l'idée de profit n'est jamais loin. (NDLR. Bizarre.. je croyais que c'était interdit.) Et on sait la suite. Non, il n'a pas changé. Simple vol au départ (rien de grave) mais il est sous probation.. puis trafic de drogue: il envisageait de s'installer au Maroc pour fonder une entreprise et, bien qu'il fût loin d'être démuni, (en prison il était un des rarissime détenus à fort bien gagner sa vie et a amassé un beau pécule) il avait besoin de "plus" pour repartir dit-il, personne ne voulant l'engager ici où à son seul nom, même un "loueur de garage" (!) le mettait à la porte en l'injuriant. Certes... mais loueriez vous un "garage" à celui-ci? Moi pas ou bien j'irais voir tous les jours ce qu'il y bricole. Retour donc à la "perpétuité".

Il ne se laisse pas abattre : grève de la faim pour protester contre ce qu'il appelle sa "triple" peine (il a "purgé" sa condamnation pour trafic de drogue et remboursé son vol, donc se sent "quitte"). Oui mais la perpétuité pour l'assassinat de Philippe Bertrand qui avait été levée sous probation, on en fait quoi? Un cas de jurisprudence. Certains qui l'avaient soutenu l'ont lâché, écœurés (c'est une énorme gifle qu'il leur a assénée, une trahison qui plombera la cause pour laquelle ils se battent) mais d'autres se sont levés... C'est à ce moment qu'il prononce la phrase révélatrice, une pierre dans le jardin des abolitionnistes et des ''réinsertionistes'' : ''je ne veux pas devenir un symbole et d'ailleurs après mon procès il y a eu d'autres condamnations à mort''.. Patrick Henry ne roule que pour lui, qu'on se le dise. Être un symbole ? Quand ça l'arrange, oui (son livre, sa notoriété) mais pas en d'autres circonstances: Patrick Henry est quelqu'un qui veut le beurre et l'argent du beurre. Et le voilà ressorti. Affaire à suivre.

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