lundi 30 septembre 2013

Affaire Kristina Radi. Un suicide est parfois un meurtre






Les femmes battues ne sont pas celles que l'on pense

 Lorsqu'on lit ce qu'elle disait sur répondeur à ses parents (lien) on ne se demande pas si elle va se suicider mais plutôt comment elle a pu résister jusque là. Voici une femme qui représente l'archétype de la femme parfaite réussissant tout.. (et hélas de ce qu'il en advint.) Une intellectuelle pointue et reconnue, de surcroît jolie, qui vit un amour fou avec un homme lui aussi célèbre, un artiste, Cantat.. pas de soucis financiers, deux carrières flamboyantes qui ne s'entre empêchent pas etc.. le couple de feuilleton américain. Un enfant, puis deux et ... ce qui pourrait être un drame advint, qu'elle assume, comme tout.

Alors qu'elle est enceinte, il lui avoue un amour fou (encore un) mais avec une autre, elle aussi relativement reconnue, plus belle, plus jeune, plus passionnée... Mais il veut rester, il a le sens du devoir, le bébé n'est pas encore là etc.. Et sans doute il l'aime encore. Aimer "encore" n'est pas aimer "maintenant", c'est souvent de l'auto allumage mais baste. C'est elle qui lui demande de partir, afin de ne pas obérer le nouveau conte de fées que cet homme-enfant savoure émerveillé. Ce qu'il fait sans se faire prier. Elle pleure. Mais pour lui tout va bien.

Elle se remet. Il lui faut à présent assumer seule les deux enfants, il est tout à sa nouvelle passion et Marie est exigeante.. ce qui est tache difficile même lorsqu'on est Kristina Radi.. d'autant plus que, autre détail, vivant dans le sillage de son homme, dans une ville de province... mais qui lui convient, elle est loin des siens. Son travail l'oblige à voyager sans cesse, un travail, notons le, en partie de public relations (elle organise des spectacles partout dans le monde, engage des artistes, les promeut etc..) Qu'à cela ne tienne, ce travail qu'elle aime, elle le met en stand bye et se consacre à des traductions dans lesquelles elle réussit également (elle parle plusieurs langues, huit si "Match" n'exagère pas). 

Puis c'est le drame. Vilnius. Il tue Marie, se trouve en prison. Qu'à cela ne tienne, elle fonce en Lituanie, se bagarre, finit par convaincre.. non, il n'a jamais été violent, oui, c'est un homme attentionné, gentil, bon père etc.. Ment-elle pour le tirer d'affaire? Pour leur enfants? C'est probable, si on suit le témoignage de ses parents (lien). Elle trouve, brieffe (et paye? l'histoire ne le dit pas) les avocats, se démène.. Et cela marche, sa condamnation est légère, huit ans (il en fera quatre, avec même des permissions ultra discrètes). 

Durant sa détention, comme pour toutes les femmes de prisonniers, ce sont parloirs, attente (mais là, ce n'est pas la porte à côté, il est vrai qu'il sera transféré au bout d'un an aux Murets, près de Toulouse), assistances, lettres, contacts avec les juges, les médecins (il a tenté de se suicider lorsqu'il a appris la mort de Marie), les requêtes, les avocats, encore et toujours.. Cela ne l'empêche pas de bosser, d'élever seule (seule? Non, pire que seule) ses, leurs enfants. Enfin c'est gagné, malgré la mère de Marie qui hurle sa colère.. il sort, ayant "purgé" sa peine comme on dit, enfin, la moitié, quatre ans.

Et le revoilà, dans la même maison où elle l'accueille à nouveau, comme "avant"; il voudrait que rien ne se soit passé et s'y emploie. Au fond, s'est-il passé quelque chose? Si. Rien ne va plus;  en fait, ils sont séparés. Leur couple est de façade, c'est à dire pour lui, (le quitter à présent lui porterait préjudice -aurait-elle menti pour le sauver? sans doute-, il faut résister)... et il ne tient debout que par elle dit-il, et croit-elle. Elle ne peut pas le lâcher, pas à présent. L'aime-t-elle encore? Ses parents, dont elle s'est éloignée, le croient. Qu'il se reconstruise d'abord. Ils sont libres, c'est le contrat (tacite? l'histoire ne le dit pas) chacun vit sa vie comme il l'entend mais ils demeurent dans la même maison. Il s'accroche à elle lui aussi, en veut plus, il l'aime toujours etc.. Violences. Elle se tait, minimise. Un coup sur le coude ? broutilles ; une gifle? un "dérapage" ; des coups? un "énorme dérapage".. La prison l'a usé, il n'a plus d'inspiration, sa reconstruction est pénible etc.. 

Elle s'isole, n'appelle plus ses amis, ses parents, que leur dire? Ce qu'elle vit? Elle n'ose pas, ne veut pas les inquiéter, elle a honte aussi. Seule exception, sa sœur (mais elle exige le silence et celle-ci consent.) Elle coule.

Et enfin c'est le coup de foudre pour un autre, un artiste-producteur lui aussi (elle a repris son travail) François, aussi discret que Cantat était flamboyant, aussi tendre qu'il est violent, aussi prévenant qu'il est égoïste. Elle renaît, soulagée dit-il. Mais Cantat ne l'entend pas de cette oreille. Lui qui l'a quittée alors qu'elle était enceinte, est jaloux. Follement. Il l'aime, et après tout ce qu'il a vécu, elle est son pilier, son seul pilier. Sans elle, il ne peut vivre, (et puis Marie est morte alors..) il la menace de mettre fin à ses jours. Une vie normale. Harcèlement. Vis à vis de François, vis à vis d'elle.. elle le cache, même à lui. Il ne le réalise que trop tard, lorsqu'il lui parle d'abord. Et c'est le terrible coup de fil où, de Bordeaux (il est à Paris) elle lui avoue avoir fui avec sa fille et ne pas savoir où aller.. où aller se cacher. "Il faut que je disparaisse". Il faut que je disparaisse! Et enfin, une fois à l'abri chez un ami à lui que François a alerté, c'est l'hallucinant monologue à ses parents, sur répondeur. Elle a craqué, elle raconte, toujours en minimisant d'une manière presque comique, mais enfin elle parle. Presqu'incohérente par moments. 

Or, redite, il s'agit d'une femme qui n'a pas de soucis d'argent, entourée (en principe), reconnue, talentueuse, indépendante..  (que dire alors des autres, de celles qui -même si elles aussi sont valeureuses- n'ont pas les moyens de voyager, de se loger, de se cacher?) et surtout, ironie du sort, il s'agit d'une femme dont le travail est justement de parler, de "vendre", des artistes, des spectacles, des "événements".. de convaincre, d'affronter les autres, souvent des puissants, des décideurs, de réclamer des fonds.. tout ce qui semble le plus difficile (!) On a ici presque la caricature significative du résultat d'un harcèlement et de coups sur une personnalité qui, même parfaitement formatée pour la bagarre, en est inexorablement détruite.. ce qui donne la mesure du résultat sur une autre (non construite sur ce modèle). 

Peu après, son fils la trouvera pendue (cela aussi est troublant, une bonne mère, ce qu'elle était, infliger un tel spectacle à son enfant, cela interpelle.) Mais à ce stade, il n'est plus question de se demander si Cantat l'a tuée; il l'a fait, d'une manière ou d'une autre. Un suicide peut aussi être un meurtre (lien avec "le cas Adèle"

Note: ses parents, craignant de ne plus jamais revoir leurs petits enfants (dont Cantat les a totalement coupés), refusent de s'associer à François dans sa demande de réouverture de l'enquête.

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