mardi 2 juin 2015

Allaitement, vente de lait, les nourrices au 19ième. Zola, Hugo pas morts


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Au 19 ième siècle, les paysannes pauvres (du Morvan notamment) lorsqu'elles avaient accouché, au bout d'un temps plus ou moins long, partaient à Paris ou en ville chercher un nourrisson (et sans doute tiraient leur lait en attendant pour qu'il ne se tarisse pas!!) laissant le leur à la famille qui le nourrissait comme ils pouvaient, si bien qu'il mourrait parfois. Puis de véritables convois (en diligence) ramenaient de la ville nourrices et bébés dans une cohue indescriptible et dans des conditions parfois épouvantables (si bien que la mortalité là aussi était effarante.. ou bien certains se perdaient en route, étaient intervertis etc... c'est le thème de maints romans à l'eau de rose qui cependant tiraient de là leur argument, parfaitement vraisemblable.) 


L'enfant, surtout petit, n'avait pas d'importance, il était remplaçable*, sale, peu ragoûtant et il était de mauvais goût, surtout dans les familles mondaines, riches ou/et nobles de s'y intéresser trop assidûment. Il était certes le garant de la lignée, mais à voir plus tard car la mortalité était importante et il ne convenait pas de trop s'y attacher.**  Une pratique à peu près constante des aristocrates et à l'autre extrémité, des femmes pauvres travaillant et ne pouvant s'occuper d'un enfant, souvent mais pas toujours illégitime, ou encore des prostituées. (Cf Talleyrand.) Ces enfants étaient diversement traités, parfois bien, mais parfois fort mal, surtout les "pauvres" ou ceux dont les parents se désintéressaient, ne venant pas ou très rarement les voir. Certains, y compris chez des nobles, le Prince de Talleyrand par exemple, étaient carrément délaissés par leurs parents et, pire, parfois par leur nourrice -ce ne fut pas le cas de Talleyrand pour ce second point- surtout si par exemple ils étaient mal formés (c'était le cas de Talleyrand, pied bot) ou s'il y avait un autre enfant mâle pour hériter le titre... délaissés puis retrouvés au cas où celui ci mourrait ! (C'est ce qui arriva à Talleyrand). De fait, la mortalité infantile était effarante des deux cotés. 
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Les nourrices étaient elles aussi diversement "maternelles" et il est incontestable que beaucoup pensaient d'abord à l'argent. Comment s'étonner ? 
. Car allaiter n'est pas un geste neutre, ce n'est pas tirer de l'eau d'un puits alimenté par une rivière souterraine, [tout comme être enceinte n'est pas offrir un abri pour la pluie, la mécanisation intentionnelle des travaux biologiques des femmes est à la fois méprisante -envers elle-, odieuse et inappropriée.. et débouche sur les horreurs que sont la gestation pour autrui, la vente de leur lait voire de leurs ovocytes, comme on vend l'électricité produite par une centrale]. Il y a la fatigue, intense lorsque l'enfant est plus grand, -après un an-, les risques d'engorgement, de mastose, -très douloureux-, de fièvre, la nécessité d'une alimentation rigoureuse et riche, ce qui n'était sans doute pas le cas des paysannes, et surtout de repos -idem!!-, le sur-poids presqu'inévitable -la faim tenaille la mère dès que l'enfant est repu ! j'avais personnellement 15 kilos en trop à l'époque- etc.. C'est certes un geste magique et même jouissif -si on peut l'accomplir car il y a des femmes qui n'en sont pas capables-.. lorsque l'on n'est pas surchargée de travail, lorsqu'il est voulu et destiné à un seul bébé -le sien- que l'on voit croître et s'épanouir tous les jours.. mais un geste qui, s'il est mercantile ou seulement destiné à un autre enfant, peut être odieux voire répugnant, exactement comme les rapports physiques. [Il y eut au moment où j'allaitais mon fils, dans mon entourage, un enfant du même âge, mal en point -non allaité qui sans doute aurait bénéficié au mieux de lait humain- mais l'idée seule de le mettre au sein me répugnait d'une manière incoercible et je ne le fis pas. J'attendis qu'il aille mieux -s'il avait continué à péricliter, je l'aurais sans doute fait.. mais en surmontant un dégoût étrange et presqu'irréfragable.] 
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Certaines dont l'enfant avait un an ou plus, qui étaient quasiment taries, le cachaient, nourrissant leurs bébés comme elles pouvaient. Car parfois il y en avait plusieurs! Théoriquement, à l'embauche, elles devaient prouver leurs qualités laitières en faisant jaillir le lait de leurs seins devant témoins (!!!) comme des vaches mais ce ne constituait nullement le garant de leur "production" future, surtout compte tenu de leurs conditions de vie. Les champs, les animaux, une autre grossesse parfois, ces femmes, véritables bêtes de somme produisaient parfois du lait de mauvaise qualité.. ou plus du tout.*** Les parents riches les plus aimants ou les plus intéressés (les Rois) engageaient des nourrices à domicile, deux ou trois parfois, qu'ils surveillaient.. ce qui impliquait obligatoirement qu'elles abandonnaient définitivement leurs nouveaux nés (souvent des enfants illégitimes) à l'assistance où là aussi la mortalité était effarante. 


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* On retrouve ces attitudes dans les pays dits émergents, chez les riches et les aristocrates, vivant dans le luxe mais confiant leurs bébés à des employées sans qualification, sous payées, qu'ils ne contrôlent pas ou à peine, les confinant en des endroits retirés de la maison où personne sauf la "bonne" ne se rend, des endroits parfois sales et très dangereux (sous pente sans garde corps par exemple, balcons aux barreaux horizontaux etc d'où mortalité infantile important par accident) un saisissant contraste avec le luxe des salons. L'enfant, turbulent, sale, imprévisible, bruyant, DOIT ÊTRE CACHÉ. On le regarde quelques instants dans les bras de sa "bonne" puis les renvoie à sa querencia. On voit aussi, dans le témoignage d'une "nurse" allemande -diplômée, elle- sur la mort par lapidation de la princesse Mikhal, la nièce du roi d'Arabie Saoudite, qui était tombée amoureuse d'un jeune homme, bien que mariée et avait tenté de s'enfuir avec lui- qu'à son arrivée au Palais, les femmes dont la princesse sa patronne sirotaient leur thé dans un luxueux salon en regardant des cassettes de films américains tandis que le bébé dont elle devait s'occuper était, lui, dans une pièce retirée, laissé sans soins dans ses excréments, épuisé -car il était réveillé la nuit de temps en temps selon le caprice de sa mère-.. 
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** Montaigne, dans ses "Essais" le dit clairement : il ne se souvient plus du nombre d'enfants qu'il a eu (!!) sept ou huit peut-être, dont beaucoup moururent en bas-âge sans que cela ne lui causât un véritable chagrin.
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*** On a le même phénomène dans l'Amérique sudiste. N'avez-vous pas remarqué dans "Autant en emporte le vent", roman que l'on ne peut suspecter d'engagement "droits de l'homme" (!) que les femmes esclaves domestiques, ô stupeur, ô chance !! avaient systématiquement du lait pour nourrir les bébés des maîtres ! (Dilcey lorsque Mélanie, après son horrible accouchement, arrive à demi morte et évidemment sans lait).. Quel bienheureux hasard qu'elles aient accouché juste après la maîtresse pensais-je à dix ans lorsque je lus le livre pour la première fois. Je compris après. En fait, celles qui étaient pressenties comme "nounous" étaient "mariées" (si elles ne l'étaient pas avant) avec un bel esclave vigoureux qui avait déjà fait "ses preuves" avec d'autres, l'ordre étant d'être engrossées au plus vite afin de pouvoir fournir pour le petit blanc à naître. Plusieurs étaient sollicitées, comme des animaux. Les bébés noirs à venir ? De futurs esclaves évidement. Tout bénéfice.


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En une image 

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