Le monde s'est divisé en deux : les connectés et les non connectés. La socialité de proximité, de frottement -on peut presque dire de "confort"- qui va parfois jusqu'à l'appariement conjugal, obligée, souvent superficielle et insatisfaisante génère des frustrations infinies voire de l'agressivité -masquée par une politesse extérieure qui peut confiner à l'hypocrisie-. Certains ne connaissent que cela. Sur le net au contraire, lorsque quelqu'un, ou un groupe ne nous convient pas -ou plus- en un clic, on cesse toute relation et personne n'est fâché. On n'éprouve plus la peur latente de la solitude qui nous fonde, dans la socialité de frottement, à laisser perdurer des relations pesantes.. un peu honteuse. Sur le net, on trouvera toujours un autre groupe, d'autres personnes : dans le monde, il y aura toujours une, deux ou mille personnes passionnées par un ou l'autre des sujets qui vous préoccupent : le féminisme, l'écologie, la littérature voire le guano de l'île de Cliperton !
S'ouvre un champ social potentiellement infini : d'un clic, on passe, du Pakistan à l'Afrique ou USA, à des amis virtuels avec lesquels on a bcp à échanger, fût-ce sur des sujets très pointus.. Un choix qui semble illimité. SEMBLE car toujours sis dans le panier des connectés -voire des anglicistes-. Une grande liberté enfin ? (Pas pour tous.) Mais elle a un prix : un isolement relatif d'avec les non connectés. Une rupture. Et leur ressentiment. D'un côté les "ploucs", de l'autre les fadas, l'incompréhension est réciproque.
Les premiers sont vulnérables. Lisant peu -en règle générale- [car le virtuel supposant de lire et d'écrire sans effort dirimant, la rupture connectés-non connectés s'établit aussi en fonction de la culture et de l'instruction donc souvent du niveau social, de sorte que les mal lisant et mal écrivant sont exclus].. donc lisant peu, ils sont manipulables à l'infini par ceux qui lisent et les utilisent. "On" leur a dit que. Ils n'ont pas vérifié, ils ne le peuvent pas. (1) Ainsi, quelqu'un qui ne voit autour de lui que son village voire seulement ses voisins avec lesquels il entretient des relations de confort lestées de frustrations parfois anciennes va reprocher à un autre qui a 1000 à 2000 visites sur ses blogs.. de ne pas vivre en société. Et vice versa : plouc pour l'un, fada allumé pour l'autre. Les deux sont exacts. En partie.
Car la fascination pour un univers qui s'ouvre enfin génère (comme une drogue) un renfermement sur ce monde et une distance vis à vis de l'autre (la socialité avec les gens de proximité, à côté, semble bien terne au sens où un commerce de quartier ne peut rivaliser avec l'hypermarché).. à la limite d'une mésestime. Réciproque. Un des aléas du net.
L'avantage est que le virtuel et l'écrit libèrent de l'image, du décorum, pesant lourd parfois dans un village ou un quartier. On peut écrire en pyjama. (2)
Peut-être y a-t-il de l'envie aussi du côté des non connectés relié à leur légitime frustration ? Ils sentent confusément qu'un univers leur échappe injustement (même s'ils affectent souvent de le mépriser, l’univers des "fadas".) La partie n'est pas égale (exact) entre qui lit-écrit et qui est mal lisant mal écrivant. Là, les intellos sont favorisés: ceux que l'on méprisait un peu parfois [car il arrive que la culture soit considérée comme superfétatoire et de mauvais aloi (3)] les fadas, les mal fringués, soudain, tiennent le haut du pavé. Connus, appréciés, "suivis". Et cela se sait malgré tout. Objet de fantasmes. La force a changé de camp. De cela, les femmes bénéficient en premier, et cela aussi renforce les frustrations : moins fortes physiquement -et dans les campagnes cela compte infiniment- traitées de haut -ou avec un paternalisme typique- par des machos forts en muscles, voilà qu'elles peuvent occuper d'un bond un rang au dessus des caïds d'arrondissement : devant un ordi, les muscles ne sont pas utiles. Cela change tout.
"On" nous avait persuadés de notre isolement, (les "fadas") et soudain on s’aperçoit.. qu'on est nombreux/ses à être isolé/es, BEAUCOUP PLUS NOMBREUSES que les soi disant modèles sociaux "normés" que l'on nous imposait violemment depuis toujours. Oui, c'est une révolution du net... qui a cependant son coût : la rupture. L'incompréhension. L'écrit (ou même l'absence d'écrit) est révélateur -comme pour les mots, le plus important n'est pas ce qui est dit mais ce qui n'est pas dit- et il ne plaît pas à certains d'être révélés, fût-ce en pochoir.
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(1) Ainsi, des bruits ont-ils couru -faiblement- sur ce que j'aurais écrit : inexact, voire comique. L'avantage est qu'avec le net, on peut vérifier et prouver. Les accusateurs simplement n’avaient pas lu. "On leur avait dit que."
(2) Exemple : pour l'occupation d'une décharge -de nuit!- une telle prend soin de se remaquiller, d'enfiler des bas et des chaussures vernies astiquées.. le décorum, même pour un piquet de grève.
(3) Ce que l'on voit dans "Padre padrone" (Giuseppe Ledda) le jeune paysan qui s'instruit étant cruellement moqué par ses propres camarades et sa famille (pour qui se prend-il ?) Le "pauvre type" soudain leur faisant de l'ombre, inversant durement les hiérarchies éternelles, il importe de le réduire. De même, à celui/celle qui vit en décroissant/e -un peu marginalement, sans eau ni électricité par exemple- mais qui écrit et est lu, il ne sera rien pardonné : à lui/elle de scier une branche de cèdre qui dépasse -sachant que cela lui sera très difficile à la scie mécanique-, un lierre -là, c'était volontaire- etc... quand les mêmes -en le cas!- ont vu une branche "dépassant" elle aussi -mais fragile- céder sur une voie- mais là ce n'est pas grave (!)
L'article base de cette réflexion
http://femmesavenir.blogspot.com/2015/04/le-lierre-le-dessous-des-cartes-et-une.html
LE DOSSIER "Voitures et piétons" d'où est tiré l'article
http://femmesavenir.blogspot.fr/2015/04/les-pietons-sont-ils-des-hommes-et-des.html
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