Quelqu'un/e m'a demandé pourquoi ou comment j'étais devenue vegan et hier je n'ai pas eu le temps de lui répondre. Voici. C'était il y a des lustres. On voulait ouvrir un resto -végétarien tout de même- d'été à Anduze et il fallait une autorisation des services vétérinaires de la DDASS. Je téléphone. Le veto responsable peut me recevoir me dit-il, le lendemain.. mais .. aux abattoirs !!! Je lui propose un autre endroit, j'insiste, au risque de me le mettre à dos. Impossible : c'est là qu'il bosse. Point.
-Mais n'ayez crainte, vous ne verrez rien, le bâtiment administratif est juste en entrant à droite, bien à l'écart." Tu parles !
.
Le lendemain, pulsations à 90, me voilà à Nîmes. Evidemment je me trompe, tourne en rond sur la rocade.. Mais enfin j'y suis. Pulsations à 100. Mon fils (5 ans) dort à l'arrière de la voiture. J'entre. Un immense portail. Ça me rappelle quelque chose d'angoissant -forcément!- mais quoi ? Je m'en souviendrai ensuite*. Ce qui frappe, à part ce portail sinistre, est l'odeur. Certes on ne "voit" pas mais on sent. Pas moyen d'y échapper. Je file, dans un état second... bâtiment à droite il a dit.. ma foi.. rien, 30 mètres.. ça doit être là sans doute, mais c'est à gauche, à droite il n'y a qu'un mur, le véto a dû se tromper, de toutes manières je vais demander, il doit bien y avoir quelqu'un tout de même dans ce désert silencieux.. j'arrête la voiture, pulsations à 110 au moins, je sors, un hangar devant moi, sans fenêtres, gigantesque. Cela aussi me rappelle quelque chose. Soudain, comme en un film d'épouvante, l'immense porte capitonnée à deux vantaux s'ouvre seule et je vois [....] NON !!!!
Plus de souffle, plus rien, juste envie de hurler. NON !! et de fuir à tout allure. Un gus en tablier blanc, couvert de sang, avec un truc à la main -je n'ai pas vu ce que c'était- je détourne les yeux et m'apprête à détaler -ce que j'aurais sans doute fait si je n'étais pas tétanisée-.. s'approche, c'est son ombre avançant vers moi que je distingue, il va sans doute m'assommer, je m'en fous. Mais non. Il est même aimable, compatissant.
- Vous cherchez quoi Madame?
- Le bureau du.. du.. vété.. véto..
- Mais vous lui tournez le dos, vous l'avez passé.."
Demi tour et en effet apparaît caché derrière une vague haie un petit bâtiment -en proportion-, deux ou trois étages seulement, bas. Je me gare, coupe le moteur, réveille Fred et hop on monte, à toute allure. C'est fonctionnel, propre, spartiate comme un hôpital. Sinistre aussi... Odeur de désinfectant. Vite pipi voire mieux et tout de suite, je fonce, les tripes en bataille. Mais pour se laver les mains ensuite, macache. J'avise pourtant, derrière les WC, une extraordinaire enfilade de lavabos attenants les uns aux autres -comme une auge- métalliques, profonds, cela aussi me rappelle quelque chose, peut-être l'Ecole normale ou.. ? Je me souviendrai là aussi ensuite*. Je reviens, Fred attend paisiblement dans la "salle", en fait une sorte de couloir mal éclairé ; lui aussi, si turbulent d'habitude, semble pris par l'atmosphère et se comporte différemment, trop sage. Le gus, apparemment le véto, sort, avenant. Je dois être blême car il se montre plus courtois que nécessaire. Je lui tends mes plans, mes mains tremblent tellement qu'il ne parvient pas à les saisir, interloqué, il me regarde par dessus ses lunettes, souriant -à demi- avec commisération, comme si j'étais une folle et c'est bien ce que je suis pour lui, -mais comme je pense au même moment que c'est lui qui l'est, on est quittes-. Il examine mes plans. C'est bon. J'ai fait ce qu'il fallait, la ligne du sale, du propre, des légumes, des livraisons etc.. rien ne se coupe.. je n'écoute pas.
- Ça va?
- Oui.. Il y a juste les WC qui..
-?
- La porte du lavabo est derrière.. On doit le chercher, il ne faut pas. Ça doit être juste devant.
- Ah oui c'est comme chez vous..
Il éclate de rire -bien que je n'aie absolument pas voulu faire de l'humour, c'est juste la réalité.-
-C'est vrai, on n'est pas conformes ! on va y remédier..
OK je ferai la modif, je suis prête à tout pour filer d'ici le plus vite possible. Un tampon, c'est fait.
. Nous partons. Fred peine à me suivre, je ne l'attends même pas... je dévale littéralement les marches et à mi palier, une de ces foutues portes capitonnés à deux vantaux s'ouvre encore toute seule et JE VOIS [....] NON !!!
.
Je suis tétanisée mais cette fois j'ai tout de même le réflexe de me retourner pour voir si Fred est arrivé. Non. Je m'apprête à remonter pour l'arrêter mais une autre porte s'est aussitôt refermée et la fille en blouse blanche avec son horrible chargement a disparu... Je vois mon fils apparaître : comme en une pièce de théâtre bien réglée, il a échappé à la vision poignante de tristesse et d'horreur, qui n'a duré que quelques secondes. Je le prends par la main, on saute dans la voiture, démarrage de western avec un nuage de poussière derrière nous et je sors en grillant le stop (!) C'était il y a 30 ans. Je n'ai plus jamais mangé de viande depuis.
.
PS
En arrivant, je m'en prends à Nathan "tu aurais pu y aller toi tout de même.." il ne comprend pas, Fred lui explique que je suis comme ça depuis le début de l'après midi ("et pourtant on a eu l'autorisation"). Je suis assise, prostrée, sur les marches de l'escalier du perron, la tête dans les bras, essayant désespérément de chasser de ma mémoire ces images. Je n'y suis jamais parvenue.
.
* Je sais à présent ce que cela m'évoque : un CAMP D'EXTERMINATION. Nuit et brouillard. Y compris la sinistre rangée de lavabos -type vidoirs- en fer blanc dans le couloir derrière les chiottes.
-Mais n'ayez crainte, vous ne verrez rien, le bâtiment administratif est juste en entrant à droite, bien à l'écart." Tu parles !
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Le lendemain, pulsations à 90, me voilà à Nîmes. Evidemment je me trompe, tourne en rond sur la rocade.. Mais enfin j'y suis. Pulsations à 100. Mon fils (5 ans) dort à l'arrière de la voiture. J'entre. Un immense portail. Ça me rappelle quelque chose d'angoissant -forcément!- mais quoi ? Je m'en souviendrai ensuite*. Ce qui frappe, à part ce portail sinistre, est l'odeur. Certes on ne "voit" pas mais on sent. Pas moyen d'y échapper. Je file, dans un état second... bâtiment à droite il a dit.. ma foi.. rien, 30 mètres.. ça doit être là sans doute, mais c'est à gauche, à droite il n'y a qu'un mur, le véto a dû se tromper, de toutes manières je vais demander, il doit bien y avoir quelqu'un tout de même dans ce désert silencieux.. j'arrête la voiture, pulsations à 110 au moins, je sors, un hangar devant moi, sans fenêtres, gigantesque. Cela aussi me rappelle quelque chose. Soudain, comme en un film d'épouvante, l'immense porte capitonnée à deux vantaux s'ouvre seule et je vois [....] NON !!!!
Plus de souffle, plus rien, juste envie de hurler. NON !! et de fuir à tout allure. Un gus en tablier blanc, couvert de sang, avec un truc à la main -je n'ai pas vu ce que c'était- je détourne les yeux et m'apprête à détaler -ce que j'aurais sans doute fait si je n'étais pas tétanisée-.. s'approche, c'est son ombre avançant vers moi que je distingue, il va sans doute m'assommer, je m'en fous. Mais non. Il est même aimable, compatissant.
- Vous cherchez quoi Madame?
- Le bureau du.. du.. vété.. véto..
- Mais vous lui tournez le dos, vous l'avez passé.."
Demi tour et en effet apparaît caché derrière une vague haie un petit bâtiment -en proportion-, deux ou trois étages seulement, bas. Je me gare, coupe le moteur, réveille Fred et hop on monte, à toute allure. C'est fonctionnel, propre, spartiate comme un hôpital. Sinistre aussi... Odeur de désinfectant. Vite pipi voire mieux et tout de suite, je fonce, les tripes en bataille. Mais pour se laver les mains ensuite, macache. J'avise pourtant, derrière les WC, une extraordinaire enfilade de lavabos attenants les uns aux autres -comme une auge- métalliques, profonds, cela aussi me rappelle quelque chose, peut-être l'Ecole normale ou.. ? Je me souviendrai là aussi ensuite*. Je reviens, Fred attend paisiblement dans la "salle", en fait une sorte de couloir mal éclairé ; lui aussi, si turbulent d'habitude, semble pris par l'atmosphère et se comporte différemment, trop sage. Le gus, apparemment le véto, sort, avenant. Je dois être blême car il se montre plus courtois que nécessaire. Je lui tends mes plans, mes mains tremblent tellement qu'il ne parvient pas à les saisir, interloqué, il me regarde par dessus ses lunettes, souriant -à demi- avec commisération, comme si j'étais une folle et c'est bien ce que je suis pour lui, -mais comme je pense au même moment que c'est lui qui l'est, on est quittes-. Il examine mes plans. C'est bon. J'ai fait ce qu'il fallait, la ligne du sale, du propre, des légumes, des livraisons etc.. rien ne se coupe.. je n'écoute pas.
- Ça va?
- Oui.. Il y a juste les WC qui..
-?
- La porte du lavabo est derrière.. On doit le chercher, il ne faut pas. Ça doit être juste devant.
- Ah oui c'est comme chez vous..
Il éclate de rire -bien que je n'aie absolument pas voulu faire de l'humour, c'est juste la réalité.-
-C'est vrai, on n'est pas conformes ! on va y remédier..
OK je ferai la modif, je suis prête à tout pour filer d'ici le plus vite possible. Un tampon, c'est fait.
. Nous partons. Fred peine à me suivre, je ne l'attends même pas... je dévale littéralement les marches et à mi palier, une de ces foutues portes capitonnés à deux vantaux s'ouvre encore toute seule et JE VOIS [....] NON !!!
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Je suis tétanisée mais cette fois j'ai tout de même le réflexe de me retourner pour voir si Fred est arrivé. Non. Je m'apprête à remonter pour l'arrêter mais une autre porte s'est aussitôt refermée et la fille en blouse blanche avec son horrible chargement a disparu... Je vois mon fils apparaître : comme en une pièce de théâtre bien réglée, il a échappé à la vision poignante de tristesse et d'horreur, qui n'a duré que quelques secondes. Je le prends par la main, on saute dans la voiture, démarrage de western avec un nuage de poussière derrière nous et je sors en grillant le stop (!) C'était il y a 30 ans. Je n'ai plus jamais mangé de viande depuis.
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PS
En arrivant, je m'en prends à Nathan "tu aurais pu y aller toi tout de même.." il ne comprend pas, Fred lui explique que je suis comme ça depuis le début de l'après midi ("et pourtant on a eu l'autorisation"). Je suis assise, prostrée, sur les marches de l'escalier du perron, la tête dans les bras, essayant désespérément de chasser de ma mémoire ces images. Je n'y suis jamais parvenue.
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* Je sais à présent ce que cela m'évoque : un CAMP D'EXTERMINATION. Nuit et brouillard. Y compris la sinistre rangée de lavabos -type vidoirs- en fer blanc dans le couloir derrière les chiottes.
Auschwitz
Molières sur Cèze, les HLM, une ressemblance évidente. Voir d'autres images -d'Auschwitz- encore plus saisissantes ici http://www.huffingtonpost.fr/2015/01/25/camp-auschwitz-2015-70-ans-liberation-histoire-photos_n_6531430.html
et de Molières ici ;
et de Molières ici ;
http://molieresurceze.blogspot.fr
Un peu plus gai Auschwitz tout de même, rues plus larges, mieux éclairées.. bâtiments plus bas, quelques arbres aussi..
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