(... ou de troquet !)
CE QUI EST IMPORTANT DANS LE LANGAGE,CE N'EST PAS CE QU'IL DIT, C'EST CE QU'IL NE DIT PAS.. (Lacan)
Premier cas. Un gus qui picole -gentiment, sans excès-.. qui "drague" -gentiment, sans excès!- la serveuse et fume -? peut-être avec excès?-... se trouve "choqué" par la couverture de Charlie (image) et planque carrément le numéro que j'avais laissé sur une table ... derrière une machine à café sise sur le comptoir. Il faut dire qu'il y voit -je l'ai compris ensuite- une bite. Pas moi. Conclusion : la bite est-elle sur le dessin ou dans sa tête? Bref questionnaire. Il semble que l'on soit à 1/2 ; 1/2.. mais peut-on compter les très jeunes car à l'adolescence et même ensuite selon la maturité, on voit des bites partout, surtout les garçons.
Deuxième : des mecs -et même des sympa- désignent souvent des femmes uniquement par leur... couleur de cheveux ! Il y a "la blonde".. la "brune".. la "rousse"..etc
à croire que nous sommes des perruques sur pied. Aucune idée que sous les tifs, il y a un cerveau. Ou encore ils les désignent par leur âge, surtout lorsqu'ils sont eux mêmes relativement en perte de vitesse et se flattent d'avoir "eu" une beaucoup plus jeune.
Mais eux-mêmes, en cas de doute, se désignent souvent par leur bagnole -ou leur moto-. Il y a "celui qui a une Clio"... une "BM".. une Ford fiesta... etc La "chose" a pris le pas sur l'individu. L'homme appartient à l'objet et non l'inverse... et la femme, elle, "appartient" au désir éventuellement suscité ou non, désir de l'homme, cela va sans dire. (Les cheveux). [Cela peut être encore plus bourrin, il y a aussi "celle qui a un beau cul... ou une belle poitrine"... ou son âge.. celle qui a 30 ans.. 40 etc...]
Troisième : un couple se sépare. Banal. On ne les voit donc plus. Réflexion d'un jeune -cultivé, relativement, reprise par un autre qui ensuite se défaussera-, à propos du MEC : "je ne sais pas s'il va "la" reprendre ou non.. Peut-être. Pas sûr.." Je m'insurge. Une femme n'est pas une machine à laver! Le second a l'air gêné mais le premier, initiateur de la formule, insiste, en substance, je coupe des cheveux en quatre, je suis un peu parano, excessive etc... (pas forcément faux.. quoique.. Car, citant les nazis, j'explique que lorsqu'on veut se débarrasser de quelqu'un appartenant à un groupe particulier honni par racisme, physiquement ou symboliquement, on commence par le/s réifier, le/s vilipender par le langage en usant de termes insultants ou seulement péjorants -les "bicots", les "youpins", les "putes", les "gonzesses", les "salopes", bref, les sales types ou les objets à usage ménager ou sexuel-.. ensuite, on les "parque" -les ghettos, les bordels, les harems- et enfin on les tue, éventuellement.. mais la "mort" est déjà incluse dans la réification par le langage. Tuer un "bicot", un "youpin" ou une "pute", ce n'est rien.)
- Une femme n'est pas un objet d'usage que l'on renvoie lorsqu'il ne donne pas ou plus satisfaction ou que l'on reprend ensuite éventuellement en cas de besoin urgent.. Le terme sous entend qu'elle est une chose, un objet.."
- Mais on le dit tout le temps.. Je l'ai toujours entendu dire.
- Ce n'est pas parce qu'on le dit qu'il faut le dire. Pendant la guerre d'Algérie, "on" désignait tout le temps les arabes par des termes péjoratifs abjects et ce n'était pas une raison pour les employer. Et pour le mot "reprendre" en ce qui concerne une femme, c'est faux : "on" l'emploie rarement en ces cas ou alors ça risque de chauffer. Cela dépend peut-être des milieux. Il vaut à la rigueur pour un/e employé/e, pas pour une compagne car il suppose un rapport inégalitaire, justement un rapport d'employée à patron, c'est là le problème. Une compagne n'est pas une bonne. Ni une pute. Et un compagnon n'est pas un sultan à son harem qui "prend" ou "laisse" à son bon plaisir l'une ou l'autre.
- Mais c'est parce que pour vous c'est comme ça. Pour moi, non. Chacun son vocabulaire..
- Non. Les morts ont un sens, rigoureux, enfin... presque ! Tu me rappelles le lapin d'"Alice au pays des merveilles" -il représente le dictateur- lorsqu'il fait observer à Alice -nouvelle venue dans le pays- que ceci, mettons une tasse de thé, ici, s'appelle un bateau, "il suffit de le savoir, vous devrez apprendre" précise-t-il sévèrement. Alice, interloquée, objecte que ce n'est pas le sens usuel pourtant. "Ça ne va pas être facile de se comprendre !" soupire-t-elle ... à quoi le lapin répond immédiatement : "
SI, TOUT DÉPEND QUI SERA LE MAÎTRE UN POINT C'EST TOUT !" Prétendre que "son" mot, celui que l'on a "toujours" entendu et employé, est soit le "bon", soit utilisable sans problème c'est se prévaloir contre l'autre, comme le lapin, d'un magistère inadapté et inacceptable. De la même façon, pendant la guerre d'Algérie, les filles -pied noir- récemment débarquées à Marseille qui au lycée employaient des termes péjoratifs désignant les arabes répondaient qu'elles les avaient toujours appelés ainsi et que "nous" devions "nous y faire" un point c'est tout.
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En effet, le "nomos" (le nom) signifie en grec aussi bien le "mot" que la
Loi et par extension la "culture"... Celui qui le crée ou le modifie, celui donc qui
nomme, qui attribue un nom "juste" (?!) aux choses et aux idées et qui l'impose aux autres ciselant ainsi le langage et la culture, c'est évidemment le dominant auquel les autres doivent se soumettre.. en employant les mêmes mots, les siens, aussi inadaptés ou mortifères soient-ils, des mots qui peuvent réduire, exclure et évidemment tuer, réellement ou symboliquement. L'exemple est flagrant du mot sanghô qui signifie femme (ouali) et qui petit à petit, avec la colonisation, est devenu synonyme de femme "facile" (négresse) puis de "pute".. au point que si actuellement on "traite" une africaine de ouali, on risque la paire de claque. Le mot "femme", qui en réalité signifie "femme blanche" a suppléé à ouali, étant entendu que les africaines ne sont pas des femmes -au sens ou les africains ne sont pas des hommes-. Les femmes africaines n'existent plus en tant que telles mais seulement en tant qu'objet sexuel -tarifé ou non- objet sexuel pour l'homme blanc. Idem avec les termes américains ou anglo saxons que l'on copie à force de clips, de chansons, de films doublés. ("Pour l'amour du ciel" par exemple, une formule qui y pullule à tout bout de champs y compris à propos du quotidien le plus futile et qu'en français on n'employait quasiment jamais sauf dans les seuls cas du langage religieux restreint-ce qui est logique!- arrive en force, au départ pour les nécessités du doublage mais ensuite a priori... ce qui transforme le français, langue précise, d'école philosophique rigoureuse en une "copie" dévoyée de l'anglais américain emphatique, superficiel et outré jusqu'à l'indécence..-mais certes pragmatique car évolutif, ce que n'est pas beaucoup le français.-)
Autre cas, plus banal, la moquerie -qui parfois se veut anodine, légère- au sujet de l'accent supposé d'étrangers -les noirs, les arabes et les roms font de bon "clients".. ainsi que, plus rarement, les "gens du Midi" et de leur supposé parler-. Gênant car ces sarcasmes se donnent souvent pour bon enfant -et parfois des victimes elles mêmes en rient, inconscientes, ou non, du racisme qui sous tend ces "imitations" outrées et souvent fautives-. Ces "blagues" sous entendent qu' "ils" ne savent pas parler convenablement comme "nous". (Ce qui ne laisse pas d'être comique lorsque ceux qui le pointent s'expriment avec un accent encore plus prégnant et de manière carrément fautive*!) Rappelons ici que le mot "barbare" qui désigne à l'origine TOUS ceux qui ne parlent pas grec, est forgé par un syntagme (bar-bar) imitant la soi disant gutturalité de la langue -arabe notamment- des non-hellénistes dont l'on retrouverait la trace même lorsqu'ils parlent grec sous forme de l'accent ... le mot barbare donc par la suite est devenu synonyme d' "inéduqué", de cruel, de non civilisé, grossier etc...
Mais les mots évoluent -lentement pour le français!- avec les luttes, ici les luttes des femmes, et ce qui était peut-être admis -relativement- même réifiant, dans le cas en général d'un rapport inégalitaire par exemple d'un Prince avec une épouse ("il la reprendra peut-être") actuellement est choquant de toutes manières. A cela aussi il faut s'adapter et refuser sous prétexte que "on" le dit c'est : 1 se défausser du langage usuel, consensuel, comme le lapin, posant "son" langage comme un dictat ; 2 exciper du sexisme -ici le plus archaïque- ; 3 signifier que les femmes sont potentiellement ou réellement des objets donc des "putes" -au mauvais sens du terme-, un mythe classique machiste qui veut qu'elles exploitent les hommes en se servant de leur attrait sexuel, de leur rouerie... alors que la structure de la société génère évidemment l'inverse. (Même au 19ième, aucune jeune fille de bonne famille ne pouvait se marier sans dot -une dot parfois énorme- c'eût été une honte pour elle et pour sa famille, et du reste le cas ne se produisait quasiment jamais, une femme étant censée "rapporter" -de l'argent- au futur mari de manière totalement admise et acquise. L'inverse n'était pas vrai. Contrairement à ce que l'on croit,
c'est toujours le cas du moins dans les mêmes milieux, -bourgeois aristo féodaux- et il n'est absolument pas malvenu de discuter ouvertement des "avantages" de l'une par rapport à ceux d'une autre, "avantages" désignant le montant de leur dot, âprement disputé jusqu'à faire jouer la concurrence. (Au Liban par exemple.) On retrouve ici la Sévigné qui impose crûment à son petit fils amoureux une femme qu'il n'aime pas mais qui apporte à la famille une dot énorme : "soyez raisonnable et non un enfant égoïste odieux, la toiture du château de vos parents est à refaire entièrement et ils n'en ont pas les moyens, ne faites pas le gandin..." ! )
* Exemple : à Besançon,
http://fabricationmaladiepsy.blogspot.fr/2012/10/racisme-besancon-contre-les-rouges-du.html des camarades franc comtoises se moquaient de mon accent -léger- dans un parler parfois incompréhensible dont l'archétype comique était le quotidien "
t'pasprltraj?" -ou "
unjdpom"- qu'il fallait traduire par "passes-tu par le traj?" -"traj" désignant un tunnel qui faisait raccourci vers l'arrêt des bus que nous n'osions emprunter seules- et l'autre "un jus de pomme"... et certaines, devant mon regard interrogateur, s'agaçaient que "jen'parlpafrançais" (!!) Euh si... justement !