samedi 21 février 2015

L'art politique, occuper la place

Éprouvante, l'attitude de certains qui, devant un public restreint -dans des troquets, dans la rue par exemple- éclatent en revendications -justifiées- agressives mais sensées... et qui devant les décideurs, se comportent en enfants.. Normal : tout est fait pour abaisser le public, séparer en deux catégories étanches les quidams et les décideurs. 

Tout donne l'impression qu'on se trouve dans une salle de classe : les tribunes, éloignées du "bas", plus hautes -du moins par rapport aux premiers rangs- ; les micros ; la disposition même de la pièce avec le rideau qui évoque une scène de théâtre -or on ne parle pas pendant la représentation ni en cours-. La politique est un art, au fond assez simple qui requiert de :
 1 Savoir parler pour ne rien dire, longuement -sans que cela ne s'aperçoive trop si possible- sinon tant pis.. 
 2 détourner du sujet de ce qui vous dérange -par quelques artefacts faciles, un langage abscons, des séries de sigles, une technicité qui en impose, des termes qui sonnent chic ("remailler le tissus social" par exemple passe bien).. 
3 Et surtout laisser couler le temps afin de donner l'impression qu'il se passe quelque chose, que l'on FAIT quelque chose (lorsqu'on ne fait que donner l'impression que l'on fait quelque chose..) La seule chose que l'on fait, c'est tenter d'accrocher quelques voix éventuelles. Pour cela, renvoyer la balle de l'un à l'autre lorsqu'on sent que quelqu'un -de non prévu dans le scénar- risque d'intervenir, pas tout à fait comme il faut.. Tout est question de patience, de nerf : au bout d'un moment, les gens, lassés, exaspérés, vont sans doute partir d'eux mêmes.. 

Si toutefois on ne peut éviter le "débat", vers la fin, le plus tard possible, annoncez d'emblée, pour bien poser les requisits -et mettre mal à l'aise- en faisant mine de le découvrir -alors que depuis le début vous avez l’œil fixé sur l'horloge- qu'il se fait tard et qu'il faudra être aussi bref que possible par égard pour... mettons le personnel de nettoyage, ça fait bien, ou trouvez quelque prétexte honorable qui vous dédouane et culpabilise le trublion vocatif. Choquant certes lorsque vous avez laissé les avertis en tribune s'auto congratuler et longuement gloser sur des sujets parfois sans rapport, mais qui va le remarquer? 

Naïf? Oui mais ça marche : la preuve : celui-là même, le verbe haut, qui dans un troquet ne laisse parler personne, ne bronchera pas une oreille. Il se défoulera sitôt arrivé dehors, exposant avec parfois une grande pertinence tout ce qu'il n'a pas pu pointer durant trois ou quatre heures... se justifiant benoîtement lorsqu'on le lui reproche "mais c'est parce qu'ils ne nous ont pas laissé parler.."   




 

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