mercredi 20 novembre 2013

Harcèlement. La déesse et la sorcière



 Hier, à la télé (trouvée à la ''poubelle'') Alexandra Lange, acquittée après qu'elle ait tué son mari qui la harcelait, (dans un premier temps, ça commence toujours comme ça) la dévalorisait, l'insultait... puis la frappait, la terrorisait, ceci dans la quasi indifférence de tous y compris des siens auxquels elle avait essayé de parler (ils changeaient de conversation, mal à l'aise, comme les amis, voisins...) y compris aussi et c'est encore plus grave, des policiers.. cette femme donc a expliqué sa descente vers l'anéantissent. Seule, l'enfer comme disent les médias.

Ceci, c'est triste à dire, est connu. Mais pourquoi cela dure-il autant ? Dépendance ? Pas toujours. Faiblesse? Non. Les victimes n'ont pas le profil que l'on attendrait; pour faire vite, des femmes fortes, talentueuses parfois, séduisantes, débrouillardes, enviées souvent.

Une image me vient, tirée de mon expérience : malgré les apparences, le harceleur est souvent aussi un ''surestimeur''. Ayant lui même raté (du moins le croit-il) sa vie ou ce qui lui importait le plus (ici, c'est le cas, le mari était alcoolo au chômage) il sent et redoute la ''supériorité'' de sa compagne (dont du reste il profite) et il arrive même a contrario qu'il la surestime de manière illogique, loufoque. S'il tente de la réduire c'est, non jalousie mais par envie et honte. Il a peur de la perdre, sachant qu'il ne tient pas le rang. Il l'a séduite par un bluff. A présent dévoilé. Le ''fort en tout'' s'avère terrorisé par le regard des autres ; le dom Juan, un impuissant ; le militant sans faille donneur de leçons d'intégrité, un fils à papa qui plie devant sa mère etc... Piégé, il ne peut fournir. La solution : bluffer encore et toujours, et/ou, lorsque ce n'est plus possible,  dévaloriser celle qu'il a ferrée, la persuader elle même de sa nullité pour rétablir la balance, (au royaume des aveugles, les borgnes sont rois). Pour qu'elle reste. Une attitude suicidaire.
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L'art de rendre l'autre fou par helenelarrive

Il peut alors alterner des déclarations dithyrambiques avec des gestes de mépris incommensurables qui déroutent. Un jeu pervers? Non. Pas forcément. Ce sont bel et bien ces deux facettes coexistantes de son être qui se manifestent, se bousculent en toute ''sincérité'': le réel (un peu magnifié) et le fantasme (nettement péjoré). Il est peu performant sur le plan sexuel ? C'est elle qu'il accusera de frigidité. Il a effectué de mauvais placements ? C'est elle qu'il taxera de légèreté avec l'argent. Il a ''pris'' en ''parallèle'' une compagne accommodante plus jeune qu'il peut encore impressionner ? C'est de sa faute à elle qui l'a rejeté etc... C'est cela qui explique que ce type de relation, avec ou sans les coups, puisse durer toute une vie.

Parfois, et c'est bien le ''pire'', la femme joue le jeu. Par amour ? Au début, oui, elle agit envers lui comme envers un enfant, (s'extasiant devant un collier de nouilles mal colorées) elle ne mentionne jamais ses déficiences ou affecte d'en rire, le justifie (c'est un ''artiste'', il n'a pas le sens des réalités)... déficiences que parfois elle a toujours connues et acceptées... ou qu'elle n'a pas pu ne pas détecter assez vite. (Notons que souvent ce type d'homme recherche une compagne plus jeune, naïve, ou socialement inférieure, une jeune femme sans aucune expérience par exemple ne saura pas mesurer son incompétence sexuelle... )

C'est comme une omerta au sein du couple, souvent transmise aux enfants et aux proches. Il est maladroit ? Elle le ''couvre'', affecte de plaisanter, cache son agacement voire son exaspération. Notons aussi qu'en règle générale ce type de couple s'isole, d'un commun accord. (''Commun'' est à mettre entre guillemets car c'est l'homme qui incite mais la femme qui consent, pour lui mais aussi parce qu'elle aussi est parfois gênée de l'''anomalie'' de leurs relations, qui la dévalorise, elle.) Le regard de l'autre représente un danger.

Une escalade ensuite, aberrante : la femme peut en ''rajouter''. Jouer un rôle pour lui complaire. Faire intentionnellement des erreurs, des bourdes. On est proche du scénario de ''Maison de poupée''. Elle incarne l'enfant, la pusillanimité, lui, le chef, il est satisfait, tout baigne.

Scénar de fous cependant où les rôles sont inversés, qui peut tromper l'entourage. Ce faisant, sans s'en rendre compte, elle joue contre son camp. Qu'importe, en apparence, tout va bien. Mais cette surestimation (réelle) qu'il lui voue malgré les apparences contraires a un coût.

Et c'est là que se noue le drame. Si elle échoue, (réellement) c'est l'autre face qui va exploser, et cette fois, pour de bon. On n'est plus dans la pièce de boulevard avec des personnages figés, le chef bon et généreux et la femme enfant versatile et dépendante, mais dans la tragédie grecque : insultes, et anéantissement programmé. Coups parfois. Un de mes ex pouvait passer du sarcasme léger, paternaliste, qui se voulait presqu'aimable, sans réelle portée, à la réplique cinglante si je n'y répondais pas comme convenu dans son scénar (en feignant d'en rire). ''Ça suffit, il n'y a que toi qui ris, t'en rends-tu compte ?'' ... ''O évidemment, je n'ai pas le talent de la cé-lè-bre Hélène, moi, je ne suis à tes cotés qu'un minus''.. etc.. (Je lui avais dit être mal à l'aise devant certains journalistes.. et le lendemain, feignant de scruter sous la terrasse, il s'était écrié ''il y a une foule, cours vite te cacher, je vois même un hélicoptère !'')
 
Un exemple de surestimation-dévalorisation, le roi Henry VIII qui pense sérieusement qu'Anne Boleyn va ''lui'' donner un fils. Elle en a le pouvoir (!) croit-il ! C'est elle qui décide. Il ne songe même pas qu'une telle décision est hors de portée de quiconque. Elle jouera le jeu, le lui ''promet'' ... ce qui lui coûtera la vie: elle l'a trahi ! Une sorcière. (Lien avec "Anne Boleyn, un fils ou la hache".) Une femme à ce point surestimée (même malgré les apparences car le roi, qui au départ s'aplatissait littéralement devant elle, à présent l'insultait ouvertement) n'a pas droit à l'erreur. Elle manque, c'est la mort assurée, symbolique ou ici réelle. Entre une femme harcelée, battue, méprisée, et une femme survalorisée jusqu'à l'absurde, il n'y a parfois qu'un fil. Entre la fée et la sorcière, le tranchant d'une lame ou les ors d'une couronne.*

Mais de ces scénars, il arrive que les femmes aussi soient responsables, même si par la suite elles en sont victimes. Pourquoi ? On l'a vu, par amour, pour valoriser leur compagnon (et se valoriser elles mêmes par ricochet), pour le protéger.. mais parfois aussi par intérêt ; c'est le jeu social et érotique de Lancelot et Guenièvre. Un jeune par exemple qui redoute d'avoir failli (professionnellement) et la mésestime de son père qui s'ensuit se trouvera ré équilibré par une compagne "fragile" qui elle aussi peut jouer (voire initier) le jeu ou seulement l'accentuer en chargeant un peu son personnage. Il existe, il est un homme rassurant aux yeux de celle qu'il aime. La vie est belle.

Ne simplifions donc pas trop. La dialectique de ces couples ''pervers'' (mais la ligne est mince entre le ''normal'' et le déviant) n'est parfois pas seulement ''bien/mal, femme/homme''.. mais celle d'une ''complicité'' initiée ou acquise (la femme consent à être réifiée ou le subit malgré elle) entre le bourreau et la victime avec quelque fois interversion des rôles.

Dans mon cas, il est évident que l'initiateur du jeu a été mon ex mais non moins évident que j'en ai été la zélatrice empressée. Pour lui ? Oui, par amour, mais ensuite aussi pour moi. Refus de reconnaitre devant les autres** mon erreur? Orgueil et honte -de lui-? Désir de frimer? Ou aussi le repos de la guerrière! Il est rassurant de ne plus exister. Jusqu'à ce qu'on se rende compte... tout simplement que l'on n'existe plus et que de fait ''on'' peut tout se permettre avec vous. Jusqu'à la mort. Et le fait est que la liberté se conquiert dans l'angoisse et le désarroi. Mais ensuite, c'est la vie, tout simplement. La fin de la nuit.




*De même mon ex qui, simplement pour s'éviter de devoir se lever plus tôt le matin (il a un rendez vous à Paris) me laisse "rentrer" seule chez nous en banlieue avec une voiture qui tombe en panne tout le temps, de nuit, passant par un quartier chaud : égoïsme? Muflerie? Non : il ne pense tout simplement pas que "cela" puisse m'arriver. Je suis débrouillarde, je saurai m'en sortir (!) comme Henry VIII pense qu'Anne va obligatoirement lui "donner" un fils. 
 
** Notons que ces couples sont souvent des couples "compliqués" par une différence de culture, de nationalité, de religion ou d'ethnie et/ou de niveau social et que fréquemment les deux membres ont dû se battre contre leur famille pour leur faire accepter leur choix. L'aveu de l'échec est dont plus difficile. ("Je te l'avais bien dit!")

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