jeudi 27 novembre 2014

Les réminiscences et la mémoire traumatique. Le stress shoote !

Deux types de stress.. et au milieu une infinité!








Le traumatisme banal
C'est l'AMYGDALE (une structure cérébrale sous-corticale) qui est à la fois le siège de la mémoire tout court mais aussi de la mémoire émotionnelle dite "implicite" c'est à dire non consciente (ce que Leibnitz appelait les "perceptions sans aperceptions").. c'est l'amygdale donc qui contrôle la manière dont on digère nos émotions lors de stress. Exemple : lors d'un danger soudain (mais mineur, un cerf traverse la route) la vision de l'animal atteint l'endroit du cerveau où les informations sont prises en charge, MAIS PAR DEUX VOIES : une voie courte activant directement l'amygdale qui reconnaît la situation, "s'allume" et nous fait réagir au quart de tour avant même que le danger soit reconnu par le cerveau "associatif" (la raison). C'est le réflexe, hop, un coup de volant et on évite la bête... L'autre voie* est longue, plus lente et plus complexe. Lorsque c'est la voie courte qui a été mise en branle dans l'urgence, la voie longue suivra immédiatement dans un deuxième temps et permettra une analyse de la situation (pourquoi ce cerf a-t-il traversé? Cet endroit est donc dangereux bien qu'il n'y ait pas de panneaux, il faudra l'éviter, en parler à d'autres, en réclamer etc..) ainsi se formera une une banque de données de souvenirs issus d'expériences affectives et.. l'apprentissage. L'analyse qui module la réponse amygdalienne l'éteint quand la situation stressante est résolue. La mémoire émotionnelle de l'événement est transformée en mémoire explicite autobiographique et en expérience, permettant de nouveaux apprentissages.

*dite thalamo-cortico-amygdalienne!
 
Le traumatisme gravissime
Mais lors de traumatismes gravissimes (viols, passages à tabac -physiques ou psychologiques-, torture, situations hors normes terrorisantes par exemple de guerre) susceptibles de menacer l'intégrité physique ou psychique, des mécanismes exceptionnels de sauvegarde se mettent en place : la production massive d'endorphines interrompt la pensée -sidération- (or c'est celle-ci qui analyse en permanence ce que nous vivons en temps -plus ou moins- réel!) comme un circuit électrique en survoltage qui disjoncte pour préserver l'intégrité du maladroit qui a touché deux fils... et on aboutit à une sorte de sidération, -comme si cela arrivait à quelqu'un d'autre, comme si ON était quelqu'un d'autre- : c'est la dissociation avec anesthésie psychique et physique.. certes bénéfiques sur le coup, mais terriblement funestes ensuite : c'est la mémoire traumatique qui va s'ensuivre, incontrôlable, désordonnée, inadaptée et permanente -une torture de la vie quotidienne de ses victimes- qui se forme ici. 

En cas de traumatismes gravissimes, la partie du cerveau (l'amygdale) qui joue un rôle d'alarme prépare l'organisme à réagir face au danger en commandant la sécrétion des hormones du stress (l'adrénaline et le cortisol) est survoltée : la réponse émotionnelle monte en puissance -juste avant la sidération- sans que rien ne l'arrête (amygdale hyperactive) atteignant un stade de stress dépassé avec un risque vital (cardio-vasculaire, neurologique, comitial*) : c'est ce mécanisme qui  impose la réaction de sauvegarde (le court-circuit) par la libération de neuromédiateurs -des drogues dures!- endogènes**, morphine-like*** et kétamine-like. Ainsi l'amygdale est-elle isolée, la réponse émotionnelle est-elle éteinte... mais comme on va voir, au prix de la piéger et de la transformer en mémoire traumatique. Résumé : dans un premier temps, l'amygdale est éteinte par nécessité de survie, mais dans un autre, la pensée court-circuitée ne peut "digérer" le stress, l'intégrer à la mémoire normale à un apprentissage naturel, le "digérer", le raisonner, le penser.. si bien que l'amygdale reste en "stand bye", prête à s'allumer. Le souvenir émotionnel devenu latent et "permanent" resurgira en toute occasion, évocatrice ou NON, avec LA MÊME ÉMOTION mais inadaptée voire dramatique.


*Crise d'épilepsie
**Crées et sécrétées par le corps lui-même
*** "Like" signifie "qui agit comme"

Ce qui se passe pendant le trauma 

Cette disjonction qui entraîne une anesthésie émotionnelle et physique alors que les violences continuent procure une sensation d'irréalité, de déconnexion, d'indifférence même, d'insensibilité, on a l'impression de vivre la situation de l'extérieur en spectateur. La dissociation peut parfois s'installer de manière permanente faisant de la victime une sorte d'automate. Mais elle n'est pas forcément désagréable, au contraire : le stress extrême shoote*. Cela peut expliquer les conduites à risque des victimes qui semblent rechercher le danger ou la re création de situation à risques gravissimes (afin de libérer leur "dose" d'endorphines qui les fait planer.)

*Le shoot : lors de traumatismes extrêmes, la sidération psychique empêche l'amygdale de s'éteindre (même après l'arrêt ou la maîtrise du danger.) Restant sur activée, la réponse émotionnelle reste maximale et c'est là où le circuit normal DISJONCTE et la DÉCONNECTE dans un premier temps. Elle "s'éteint" malgré le traumatisme qui se poursuit, l'état de stress s'apaise et il n'y a plus de souffrance psychique : les endorphines provoquent une analgésie, un shoot. Mais les symptômes dissociatifs vont générer ensuite la mémoire traumatique définitive.


Explications techniques
=> Cette disjonction protectrice est à l'origine de troubles de la mémoire traumatique car la mémoire émotionnelle des violences extrêmes, piégée dans l'amygdale, non traitée par l'hippocampe ("logiciel" de traitement et d'encodage de la mémoire consciente, des apprentissages, et du repérage temporo-spatial), ne pouvant devenir un souvenir qui se raconte, qui est porteur de sens et dont la charge émotive se modifie et diminue avec le temps... va alors rester vive, en l'état, immuable, chargée exactement du quantum de l'émotion initiale (effroi, détresse, douleurs). Ce sera une mémoire implicite sans représentation, ni fonction sociale, une mine anti personnel hypersensible et susceptible de s'allumer lors de tout stimulus rappelant OU NON le traumatisme.

La forte réponse émotionnelle qu'elle suscite est incompréhensible : à la fois pour les autres (la victime peut passer pour folle) mais aussi pour l'individu lui même (qui se demande s'il ne l'est pas.) Son cerveau va recevoir des messages paradoxaux contradictoires : un l'informant de la situation, banale et l'autre (issu de l'amygdale "marquée") lui envoyant des informations falsifiées de danger mortel. Même des années voire des décennies après les violences, la mémoire traumatique peut exploser au moindre stimulus qui rappelle -ou non- les violences : situations, lieux, odeurs, sensations, émotions, stress, etc. Elle les fait revivre à la victime, et A TORT, à l'identique, avec les mêmes émotions, les mêmes sensations, le même stress "dépassé", envahit totalement la conscience et provoque une détresse, une souffrance extrême et... à nouveau un survoltage et une disjonction : cercle vicieux, elle se nourrit elle même... et de rien. Cette mémoire enkystée semblable à une machine à remonter le temps menace de s’enclencher à tout moment de façon incontrôlée. La vie de la victime risque de devenir un état de guerre permanent, conséquence normale de situations anormales.


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