vendredi 2 novembre 2012

Les sens des mots, de Diane Mistler à Elisabeth I

[Malgache, elle vient d'être condamnée en appel à 18 ans de prison pour avoir poussé un de ses amants à tuer son riche mari qui selon elle l'aurait maltraitée, prostituée et violée -ces faits n'ont pas été retenus-; elle aurait en fait voulu éviter le divorce qui l'eût ruinée et risquait de lui faire perdre la garde de leur fils; de son côté elle soutient que c'est Franz Diguelman, fou amoureux -ce qui n'était pas réciproque- qui a agi de son propre chef par jalousie, d'abord lorsqu'il a tué, ensuite -lorsqu'il réalise que pour elle il ne compte pas- quand il l'accuse d'avoir été l'instigatrice de l'assassinat. Me Dupond-Moretti a plaidé en vain sa totale innocence.]


Elle semble faire partie de ceux -nombreux- pour lesquels les mots n'ont pas d'autre sens que de plaire, se défouler, parfois rêver; aucun sens "opératoire" en somme. C'est une poétesse in live qui invente et expose sa "vie" ou plusieurs, fantasmées, au gré de l'inspiration, du client, parfois de son projet -le gain souvent-, comme beaucoup de prostituées ou de femmes/hommes entretenu/es par plusieurs. Elle l'avoue elle-même: "je dis aux hommes ce qu'ils ont envie d'entendre, "je t'aime", oui, je le dis tous les soirs par SMS à plusieurs, ça n'a aucune importance, ça leur fait plaisir, pourquoi pas?" Elle ne "ment" pas, c'est la vérité même qui n'a pas de sens, les mots ne sont là qu'à titre de décor, sans conséquence, se suffisant à eux-mêmes. Un terpnos logos*. A ses moments de spleen (?) pour faire plaisir ou par intérêt, elle affirme être battue, violée, qu'il faut la débarrasser de son affreux mari etc.. faisant d'eux des Lancelots et d'elle une princesse captive.. Le pense-t-elle -est-elle parano? est-ce exact? exagère-t-elle?- Non puisqu'au même moment elle prépare son déménagement à la Réunion dans une superbe maison qu'ils ont achetée pour s'y retirer -et être enfin tranquilles.. à moins qu'elle n'ait d'autres projets là bas!- mais enfin elle le dit, le répète. Et l'un, amoureux, la croit et passe à l'acte.

C'est une personnalité à facettes, clivée, qui vit son existence comme un auteur le roman qu'il écrit ou un acteur la pièce qu'il improvise au fur et à mesure pour son public. Un de ses amants qui semble avoir compris l'exprime ainsi "qu'elle l'ait dit [qu'elle voulait se débarrasser- c'est à dire tuer ou faire tuer- son mari] c'est sûr -il l'avait aussi entendu plusieurs fois- mais qu'elle l'ait pensé, jamais.. Avec elle, il ne faut pas s'attacher à ses délires et la prendre comme elle est, une petite fille.." 

Cela n'exclut pas une certaine malice puisque beaucoup de ses sketches ont clairement pour but le profit, ainsi invente-elle des soucis financiers pour les études de son fils et utilise-t-elle l'argent ainsi obtenu pour elle-même.

Le drame est que le fruste coiffeur l'a prise au mot. Au mot lorsqu'elle lui disait "je t'aime" et sans doute bien plus, au mot lorsqu'elle prétendait vouloir qu'il la "débarrasse" de son mari. Il avait cependant raison, les mots ont un sens. Et un amant surtout passionné n'est pas un psy. La raison de l'incroyable imbroglio qu'elle a suscité ? Un trauma sans doute, sa culture, la misère qui sévit à Madagascar où pour survivre on doit user de tous les moyens, son immaturité également peut-être; elle épouse un homme, elle l'aime sans doute à sa manière -provisoirement, il est beau, riche, généreux, bon amant- mais au bout d'un certain temps, sa dépendance lui pèse, elle cherche "mieux", sans doute y a-t-il aussi la rancune d'avoir dû survivre dans de dures conditions devant qui a toujours été favorisé.. et pour s'en libérer, elle en trouve d'autres, également prêts à l'aider.. d'abord financièrement, puis de façon relativement imprévue .. et prévue à la fois malgré tout car là aussi il y a un profit évident à la clef -la liberté, l'indépendance, son fils, l'argent mais pour elle seule-. 

 

Curieusement, elle rappelle... Élisabeth I, reine d'Angleterre, fille de Henry VIII (lien avec "Anne Boleyn, un fils ou la hache"), atteinte du même syndrome, qui signe l'arrêt de mort de Mary Stuart -en quoi elle a sans aucun doute raison- après d'infinies hésitations, cherchant paradoxalement à se faire "forcer la main" par ses ministres auprès desquels comme Diane elle se "plaint" pourtant de la Stuart ... et donc signe, en faisant semblant de ne pas s'en rendre compte (!) [Dudley, qui la connaît bien a mis l'ordonnance dans une pile qu'elle se garde bien de lire -elle sait bien sûr l'objet de l'une d'elles- tout en lui parlant d'autre chose -et elle joue le jeu] puis, le lendemain elle pique une crise** lorsqu'elle "apprend" que la Stuart a été exécutée! Sincère? avec des personnalités de type, même ce mot n'a pas de sens. "Elle ne le voulait pas, on l'a trompée, c'est sa cousine, la fille d'une des sœurs de son père, de sang royal, qui s'était réfugiée chez 'elle' pour sa sauvegarde, on l'a obligée par ruse à une abominable trahison etc.." Une part d'elle ne pouvait que s'y résoudre, l'autre refusait violemment cette mort. Pourquoi? Un trauma là aussi, ici facile à deviner, sa mère Anne Boleyn assassinée par son père Henry VIII .. et elle-même qui n'était pas passée loin de la hache ensuite par les soins de sa demi-sœur Mary Tudor (fille du premier mariage d'Henry avec Catherine). Notons qu’Élisabeth a plus d'excuses que Diane -pour ce que nous savons- car elle aurait sans doute été décollée si un des complots de cette fan de la hache et des bûchers qu'était la Stuart -et sans états d'âme, elle- avait finalement réussi.*** Lien avec Mary Stuart, poèmes à Bothwell.

Pour Diane ? Un trauma sans doute aussi que nous ignorons, peut-être seulement la misère et/ou le manque de père ou un père versatile dangereux -dans les deux cas- qui suscite des personnalités de ce type. Perverses? De fait, mais pas de volonté. Borderlines.

* Le discours hypnotique, qui endort, et guéri,
(Platon); on dirait à présent le bourrage de crâne ou la méthode Coué.

**Le risque était ici que celui qui lui avait tendu à signer l'ordre d'exécution "sans qu'elle ne s'en rende compte" (!) n'en paie durement les conséquences ensuite, ce pourquoi Dudley, le seul à être presque sûr de ne rien avoir à craindre d'elle -ils étaient amoureux depuis des lustres- s'était dévoué. 

*** Mais une thèse favorable à la Stuart -qui en France passe pour une martyre de la foi catholique- soutient que au moins le dernier complot, celui dit de "Badmington" qui lui valut la hache aurait été suscité ses ennemis pour la perdre, la lettre où elle prévoit et "ordonne" par avance la mort d’Élisabeth étant un faux ou interpolée. Pour forcer Élisabeth à la raccourcir? Ou sur ordre de celle-ci ? Entre les deux peut-être, comme pour Diane. Il est des choses que l'on veut ignorer, une roulette russe.
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Note. Le cas Annie.

C'est une "malade" -mais ces personnalités ne sont en général pas détectées comme telles voire pas détectées du tout avant un drame comme ici- qui, au cours d'une scène parfaitement crédible, un peu théâtrale comme souvent, affirme "avoir été contrainte de s'exiler à l'étranger et de rompre avec son amour passionné par les soins d'une mère impitoyable qui avait gâché sa vie, une tyranne qu'il ne fallait pas contrarier etc etc..." alors qu'en réalité elle avait elle-même insisté, contre l'avis de la matriarche, -avec la même violence!- pour qu'elle l'autorisât à partir, parce que c'était elle qui pensait trouver un meilleur parti. Lorsqu'elles pensent avoir accompli -voire subi- un geste peu glorieux ou simplement en désaccord éthique avec un public à un instant T. -et le public varie-, voire même sans raison, ces personnalités agissent par transfert, faisant porter à d'autres ou à un autre, le poids de la faute. Et en ce sens elles sont dangereuses lorsqu'on les prend au mot, fondant leur public -leur proies? Oui en un sens- à haïr qui ne le mérite pas et à compatir à contre sens. On les rencontre parfois aussi chez les femmes -ou hommes- battues ou en désaccord avec leur compagnes ou compagnons. En général, ces personnalités ont besoin d'un supporter de caractère opposé, un/e confident/e qui écoute, vibre, et réagit à leur place. Le bouc émissaire. Lui sera la véritable victime. Cela est rarement détecté.

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2 commentaires:

  1. Vous tirez des préjugés sans même la connaître.. Cette femme, je la connais très bien. Je l'ai eu a mes cotés toutes ma petite vie et je peux vous dire que c'est un battante et quelle n'aurais jamais penser tuer son mari. Elle s'est toujours battu pour être libre, pour proteger son fils et le permettre de vivre normalement. Les gens rigole, crache sur elle et j'en passe mais si vous etiez en PRISON pour aucune raison car oui, il n'y a aucune preuve concrète. Vous avez de marquer un enorme texte sur sa "personnalité" et bien moi je dis foutèses. Vous devriez avoir hontes de ce que vous avez ecrit.

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    1. Le texte n'est pas "énorme" et a priori il s'agissait d'Élisabeth.. Il n'est nullement moraliste mais tente de comprendre l'alter communication dysfonctionnante. Votre maman dit une chose, son ami, une autre, les deux ensemble sont impossibles.. et cependant ils sont peut-être sincères tous les deux.. votre maman à sa manière, comme Élizabeth, comme Annie.. J'espère pour vous que vous l'avez retrouvée et ne doute pas qu'elle est une excellente mère ça n'a rien à voir, bon courage.

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