samedi 6 octobre 2012

Bronislava Wajs, être femme et rom ; celle qui ne fut pas une Gorki


(lien avec le blog rom)

Suite de l'article "des histoires romanesques à l'infini" (lien). Une femme rom née en Pologne (1908-1987) qui, seule avec son grand-père, avait réchappé enfant à la mort de toute sa tribu, assassinée de manière atroce par les milices fascistes tchécoslovaques en 14, qui réussit miraculeusement à apprendre à lire -soit toute seule en échangeant des poulets contre des leçons et des livres (lien en anglais), ou grâce à son grand père qui lui avait appris en cachette (lien avec son histoire romancée par Colum Mc Can)-... qui devint poète puis auteur compositeur et chanteuse, immédiatement saluée par tous y compris les roms, rencontra un intellectuel communiste qui l'aima, la rendit célèbre -elle allait devenir un nouveau Gorki-.. et la trahit ensuite en publiant ses poèmes ("Retour à la maison") hors contexte pour en faire un symbole du désir d'intégration et de sédentarisation des roms, une sédentarisation dont elle représentait l'exemple parfaitement "réussi" : une rom "évoluée".. [ce fut alors l'argument et le prétexte pour le régime communiste de persécutions infinies contre les siens -leurs chevaux furent massacrés afin de les obliger à s'entasser dans des immeubles sordides à la périphérie des villes dans des ghettos-prisons où on pouvait les surveiller de près... et la fit bannir comme traître par sa communauté].. Isolée, également rejetée par les "gadgés", ses admirateurs de la veille -dont son compagnon!- parce qu'elle refusait de devenir le chantre malgré elle des "sédentarisations forcées", elle renonça à publier -du reste personne n'en voulait plus- et après un séjour en asile psy, se retira et vécut seule dans la misère jusqu'à sa mort, complètement oubliée de tous. Un symbole tragique d'une tentative d'intégration -et à quel prix !-.. et d'un amour qui se termina par l'exclusion totale. 

Les siens crurent-ils vraiment qu'elle les avait trahis en prônant la sédentarisation alors que ses poèmes parlaient au contraire de liberté, de voyages ("le retour à la maison" était un retour sur les routes)? Amère, elle considérait que c'était plutôt un prétexte pour la punir de s'être "élevée". Dans une lettre à sa fille, elle critique les "couillons" -elle parle des roms- qui refusent qu'une femme apprenne, se livre à la littérature et se produise sur scène alors que c'est une tradition de toujours chez eux -mais pas écrite cependant.- Un texte bouleversant, aussi âpre vis à vis des gadgés qui l'ont utilisée comme un animal exotique, vitrine et fer de lance de leur propre racisme contre les siens- que vis à vis des roms -ou du moins des patriarches- qui n'ont pas supporté sa célébrité -qui cependant au début les avait enchantés- dès qu'il s'avéra qu'elle était utilisée, même si elle se démarqua. Le double bannissement fut concomitant. Que ce soit pour les roms ou pour les non roms, une femme n'a pas droit à l'erreur.   

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